Dans le cadre du programme de Tourisme Côtier Durable (TCD) financé par la Banque Interaméricaine de Développement (BID), l’Unité Technique d’Exécution du Ministère de l’Économie et des Finances (UTE/MEF) en partenariat avec le Ministère du Tourisme et le Ministère de l’Environnement ; ce dernier et l’Agence Nationale des Aires Protégées (ANAP), ont organisé les 4 et 6 septembre derniers deux webinaires sur ‘’Les Impacts et conséquences des changements climatiques sur les aires protégées’’.
Les pécheurs de Saint-Louis du Sud et d’Aquin avaient été conviés à ces deux formations qui ont rassemblé 60 participants à Saint-Louis du Sud et 75 à Aquin.
Monsieur Peguy Jacques, Directeur des Aires Marines Protégées (AMP) Aquin/Saint-Louis du Sud a fait une présentation des AMP dans ces deux régions en précisant que l’Agence Nationale des Aires Protégées (ANAP) est une Direction Générale sous la tutelle du Ministère de l’Environnement (MDE) ayant pour mission de gérer et coordonner le Système National des Aires Protégées (SNAP) sur tout le territoire national. Elle a été créée par le décret-cadre de 2006 dudit Ministère en vue d’assurer la gestion de l’environnement et la régulation de la conduite des citoyens et citoyennes pour le Développement durable.
ll a rappelé que c’est le 26 août 2013, que le Moniteur a publié la déclaration du Complexe Marin et Côtier du Sud-Ouest comme aire protégée sous le nom de ‘’l’Aire Protégée de Ressources Naturelles Gérées de Port Salut-Aquin. » Ces aires ont été identifiées comme des Zones Clefs de la Biodiversité en Haïti étant donné la présence d’habitats (mangroves et récifs) et d’écosystèmes menacés abritant des espèces endémiques, en danger et vulnérables d’après la liste rouge de l’ Union internationale pour la conservation de la nature (UICN
Peguy Jacques a, entre autres, résumé les caractéristiques des aires protégées en Haïti en mettant en avant plusieurs aspects clés :
- Conservation de la biodiversité : Les aires protégées jouent un rôle essentiel dans la préservation des écosystèmes uniques et de la diversité biologique, en protégeant les habitats naturels et en maintenant les espèces endémiques ;
- Réduction des impacts environnementaux : Ces zones aident à limiter la déforestation, l’érosion des sols et la dégradation des ressources en eau, essentielles pour les communautés locales et l’environnement en général ;
- Développement durable : En favorisant un tourisme écologique et des pratiques agricoles durables, les aires protégées contribuent au développement économique tout en préservant l’environnement ;
- Rôle des communautés locales : Les habitants qui vivent autour de ces zones sont encouragés à participer activement à leur protection et à bénéficier des ressources de manière durable.
Ce résumé souligne l’importance de ces zones dans le contexte des menaces environnementales et climatiques auxquelles Haïti fait face.
De son coté, Monsieur Prénor Coudo,, Directeur Technique National des Aires Protégées à l’Agence Nationale des Aires Protégées (ANAP) en Haïti, a présenté un plan de gestion concernant les Aires Marines Protégées (AMP) d’Aquin et de Saint-Louis du Sud. Ce plan vise à préserver et restaurer les écosystèmes marins et côtiers de ces deux régions, menacés par des activités humaines non contrôlées telles que la surpêche, la pollution et la déforestation côtière.
Il a également donné la définition d’une aire protégée, soit « un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés. (UICN, 2008). »
Le faible taux de zones protégées en Haïti, qui est estimé à seulement 33 – le plus faible de la Caraibes- peut être attribué à plusieurs facteurs, selon les observations du directeur de l’ANAP, l’Agronome Prénor Coudo. Voici quelques exemples :
- Manque de ressources financières : La création et la gestion des zones protégées nécessitent des investissements importants en termes d’infrastructures, de surveillance, et de conservation. Haïti fait face à de sévères contraintes économiques, ce qui limite les ressources disponibles pour financer ces initiatives.
- Faible priorité environnementale : L’environnement n’est pas une priorité en Haiti et ne bénéficie que de 1% du budget national ne sont ion après les catastrophes naturelles, plutôt que vers la conservation de la biodiversité.
De plus, l’absence de priorité donnée à l’environnement en Haïti, avec seulement 1 % du budget national alloué à ce secteur, a des conséquences graves et multidimensionnelles sur le pays parmi lesquelles :
- Déforestation accélérée
Haïti est confronté à un taux de déforestation alarmant, en grande partie dû à la coupe d’arbres pour produire du charbon de bois, principale source d’énergie pour la majorité des ménages. Le manque de financements pour des politiques de reforestation ou d’alternatives énergétiques durables aggrave cette situation. La déforestation entraîne aussi:
- L’érosion des sols : Le sol, privé de la couverture forestière, devient vulnérable à l’érosion, réduisant ainsi la fertilité des terres agricoles.
- L’augmentation des risques d’inondations et de glissements de terrain lors des pluies abondantes, exacerbées par le changement climatique.
- Dégradation des terres agricoles
La baisse de la qualité des sols due à la déforestation, l’érosion et le surpâturage affecte directement la productivité agricole. Les petits agriculteurs, majoritaires dans le pays, sont particulièrement touchés, ce qui compromet la sécurité alimentaire et accentue la pauvreté en milieu rural.
- Insuffisance de gestion des ressources en eau
Avec peu de fonds consacrés à la gestion de l’eau, les infrastructures hydrauliques (irrigation, captage des sources d’eau potable) sont insuffisantes ou mal entretenues. Cela mène à une pénurie d’eau dans plusieurs régions, affectant les cultures, le bétail, et même la disponibilité d’eau potable pour les populations.
- Vulnérabilité accrue face aux catastrophes naturelles
Haïti est l’un des pays les plus vulnérables aux ouragans, séismes et inondations. L’absence de mesures de prévention et de résilience liées à l’environnement, telles que la gestion des bassins versants ou la restauration des mangroves côtières, accroît l’impact de ces catastrophes sur les communautés.
- Santé publique compromise
La mauvaise gestion des déchets solides et des eaux usées, combinée à un accès limité à l’eau potable, entraîne la prolifération de maladies hydriques comme le choléra, la dysenterie, et d’autres maladies diarrhéiques, notamment dans les zones urbaines densément peuplées.
- Perte de biodiversité
Haïti possède une biodiversité unique, mais celle-ci est gravement menacée par la destruction des habitats naturels. Le manque de fonds pour la protection des parcs nationaux, des zones humides et des espèces endémiques contribue à l’extinction progressive d’espèces animales et végétales.
- Impact économique négatif
La dégradation de l’environnement affecte directement des secteurs économiques clés tels que l’agriculture, la pêche, et même le tourisme. La perte de biodiversité et la dégradation des paysages naturels peuvent diminuer l’attractivité du pays pour le tourisme écologique.
En conclusion, l’absence de priorité donnée à l’environnement en Haïti ne fait qu’aggraver la vulnérabilité du pays aux crises économiques, sanitaires et climatiques. Un engagement plus ferme et des financements accrus sont essentiels pour inverser cette tendance et promouvoir un développement durable.
Nancy Roc, le 8 septembre 2024