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Haiti – Insécurité: Le conflit armé à Petite-Rivière de l’Artibonite a déjà causé une vingtaine de morts, selon Antonal Mortimé, co-directeur du Collectif Défenseurs Plus
Le bilan des victimes du conflit armé opposant la base « Gran grif » au gang dirigé par le nommé Jean Denis à Petite-Rivière de l’Artibonite ne cesse d’augmenter. Le Collectif Défenseurs Plus, organisme de défense de droits humains, dit avoir recensé une vingtaine de morts jusqu’au jeudi 21 juillet de l’année en cours.
C’est Anthonal Mortimé, co-directeur de l’organisation qui a révélé l’information à la rédaction de Juno7 ce vendredi. L’organisation, précise-t-il, dispose de deux points focaux qui recueillent les données au niveau du bas Artibonite.
Le défenseur des droits humains souligne que parmi les victimes plusieurs ont été hachées à coup de machette ou brûlées vives. Des vidéos devenues virales sur le net montrent les exactions des bandits en question. Si la plupart des victimes sont des membres des deux gangs en conflit, plusieurs membres de la population civile en font également partie. « Parmi les victimes, il y a certes quelques bandits mais il y a aussi des innocents, des gens qui n’ont rien à voir avec le conflit. La situation est similaire à celle de Cité Soleil. Si tu habites à tel endroit, l’on va te lier à tel groupe armé et quand tu traverses un autre endroit, tu peux te faire tirer dessus », déplore Me Mortimé.
Cette situation, analyse le défenseur de droits humains, a également des conséquences sur la vie de la population des zones touchées par ce conflit. Jardins, marchés publics sont pour la plupart du temps inaccessibles aux citoyens.nes de ces régions, selon Me Mortimé. « Depuis le début du conflit, je sais que plusieurs paysans ne peuvent se rendre dans leur jardin. Et nous savons que pour certains s’ils ne vont pas au jardin, ils ne pourront pas se nourrir. De plus, il y a des marchés qui sont paralysés ou qui fonctionnent timidement comme le marché public de L’Éstère. Même si les bandits ne mettent le feu aux champs ou dans les dépôts, le conflit à des impacts sur l’agriculture ainsi que les activités commerciales », a-t-il déclaré.
L’effondrement de l’État haïtien, à l’origine du conflit à Petite-Rivière de l’Artibonite et d’autres régions du pays.
Me Antonal Mortimé estime que le conflit armé qui touche la région du Bas-Artibonite est lié à la situation désastreuse dans laquelle se trouve l’État haïtien. Le défenseur de droits humains compare la situation de Petite-Rivière à celle de la zone métropolitaine où plusieurs bandes armées font la loi. « Globalement, l’on peut expliquer ce qui se passe dans le pays par l’effondrement de l’État et l’affaiblissement des institutions », affirme Me Mortimé. Pour expliquer ses dires, le responsable du collectif Défenseurs se réfère au dysfonctionnement des trois pouvoirs de l’État depuis 2020 notamment le Parlement, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) et la Présidence, représentant respectivement les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif.
Me Antonal Mortimé estime par ailleurs que l’absence de sanctions contre les gangs armés et la recrudescence des actes de banditisme sont favorisés par l’impunité. Ce qui semble arranger le pouvoir en place, selon se dires . « Lorsque vous considérez la cartographie de la gangstérisation du pays, vous vous dites que si le gouvernement n’y est pas impliqué directement la situation joue en sa faveur et c’est ce qui explique qu’il n’agit pas, avance-t-il. La présence des gangs est liée à des fins politiques pour empêcher la tenue d’élections afin que ceux qui occupent le pouvoir le garde encore plus longtemps ou pour leur permettre d’accaparer le pouvoir quand il y aura des élections ».
En outre, Me Mortimé rappelle que la situation désastreuse que traverse le pays actuellement est sans précédent. « Depuis 1804, c’est pour la première fois que le pays connaît un tel niveau de violences et d’insécurité, argumente-t-il. Pour les six premiers mois de l’année 2022, une dizaine de personnes sont assassinés par jour, une quinzaine de cas de kidnapping sont recensés quotidiennement ».
Face à cette situation, le co-directeur du collectif Défenseurs Plus invite le gouvernement en place à faire ce qu’il appelle « le minimum ». « Même si la situation sécuritaire du pays semble les arranger, ils doivent envoyer des signaux clairs en donnant des instructions à la police pour qu’elle puisse agir en conséquence », déclare-t-il. Me Mortimé croit aussi que la population doit se mobiliser contre cette violence, exiger des autorités des actions concrètes pour résoudre l’insécurité en dotant le pays de gouvernants légitimes.