Société

Coup de projecteur sur la vie de Emmanuel « Toto » Constant

Juno7 se propose de braquer les projecteurs sur Emmanuel « Toto » Constant déportés hier mardi 23 juin par les États-Unis vers Haïti où il doit passer le reste de sa vie en prison.

Après avoir longtemps refusé d’expulser Emmanuel « Toto » Constant pour faire face à la justice haïtienne, les États-Unis l’ont finalement déporté. Il n’a pas été emprisonné aux États-Unis pour violations des droits humains mais pour une fraude hypothécaire à Long Island. Depuis hier, ce chef d’un escadron de la mort tristement célèbre est à nouveau dans le collimateur de la justice du pays pour son implication dans de nombreux assassinats, tortures et violence contre des femmes après le coup d’Etat contre l’ex-président Jean-Bertrand Aristide, le 30 septembre 1991.

Emmanuel «Toto» Constant, fils d’un commandant de l’armée sous l’ancien dictateur haïtien François «Papa Doc» Duvalier, était le fondateur et secrétaire général d’une organisation paramilitaire connue sous le sigle FRAPH (le Front Révolutionnaire Armé pour le Progrès d’Haïti), un escadron de la mort sous le régime militaire de 1991 à 1994.

Durant cette période, caractérisés par des violations massives des droits de l’homme, le FRAPH a œuvré de concert avec les Forces armées d’Haïti (FADH) dans leur campagne de terreur et de répression contre la population civile d’Haïti. Le FRAPH a reçu des armes et la formation des FADH, qui dirigeaient le gouvernement à cette époque. Le FRAPH était aux mains des militaires un instrument pour exercer le contrôle de la population. Le viol et d’autres contraintes sexuelles ont été utilisés pour punir et intimider des femmes en raison de leurs convictions politiques réelles ou présumées ou celles de leur mari, ou simplement pour terroriser la population lors de descentes dans des quartiers pro-Aristide.

Les exactions des militaires et du FRAPH incluaient des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des détentions arbitraires et d’autres formes de torture. Plusieurs milliers de personnes auraient été tuées (4000 selon certaines sources) durant la période du régime militaire. Des survivants rapportent que des fils ont parfois été forcés de violer leur propre mère. Ces violations des droits de l’homme ont également poussé à l’exil plusieurs milliers d’autres personnes, souvent par le biais d’embarcations maritimes précaires et surpeuplées (canter).

L’exil de Toto Constant

Après le retour au pouvoir du Président Aristide en octobre 1994, un mandat a été émis pour l’arrestation de Constant. Il a fui le pays et s’est rendu aux États-Unis en Décembre 1994. Selon certaines informations, Emmanuel « Toto » Constant a fui à pied Haïti vers la République dominicaine d’où il a pris un vol vers les États-Unis d’Amérique.

Sa présence aux Etats-Unis a outré plus d’un, en réponse, un juge a ordonné son expulsion vers Haïti en septembre 1995, l’ordre n’a pas été exécuté. Trois mois plus tard, Toto Constant apparaissait à la télévision, lors d’une interview exclusive à 60 Minutes, où il révélait qu’il avait été un agent payé par la CIA pendant le régime militaire en Haïti. Un peu plus tard, et pour des raison non divulguées, les autorités américaines ont modifié leur position et lui a permis de rester.

Le procès du massacre de Raboteau

À partir de 1996, le pouvoir judiciaire a mené une enquête sur les violations des droits de l’homme commises durant le régime militaire. Emmanuel Constant a ainsi été mis en accusation pour différents faits, notamment en tant que complice du massacre de Raboteau. L’accusation portait notamment sur des meurtres et des tentatives de meurtre, des atteintes à l’intégrité physique, ainsi que des arrestations et des détentions arbitraires, suivies de tortures, des actes de pillage, des vols, des destructions ou des dommages à la propriété. D’autres responsables du régime étaient également poursuivis.

Le 16 novembre 2000, un tribunal haïtien a condamné Emmanuel «Toto» Constant in absentia (par contumace), le reconnaissant coupable de meurtre pour son rôle dans le massacre de Raboteau. Le dossier se fondait sur la responsabilité de Constant en tant que supérieur hiérarchique des paramilitaires impliqués, et en tant que complice. Il a été retenu que la répression avait été organisée de manière systématique, et au niveau national. Les Gonaïves, et en particulier Raboteau, avaient été particulièrement ciblés durant toutes les années de la dictature, et les responsables du régime étaient à l’évidence au courant de tels actes. Le massacre de Raboteau a été considéré comme ayant été planifié et couvert par les dirigeants civils et militaires du pays. Il s’est vu infligé la peine maximale, le travail forcé à vie. Le jugement a également accordé des réparations civils contre les condamnés, à hauteur de 1 milliard de gourdes.

Arrestation et condamnation aux États-Unis

Emmanuel Constant, right, sits with his attorney Marie Pereira during a hearing at State Supreme Court in Brooklyn, N.Y. The former Haitian paramilitary leader has been sentenced Tuesday Oct. 28, 2008 to at least 12 years in prison for helping hatch a New York City mortgage fraud scheme that cheated lenders out of $1.7 million. (AP Photo/Jesse Ward, Pool)

En 2008, ce n’est ni pour les éxécutions extrajudiciaires, torture, traitements cruels, inhumains ou dégradants ni pourra violence contre les femmes que Emmanuel Toto Constant a été poursuivi par la justice américaine. Mais pour fraude hypothécaire pour son rôle dans un stratagème de fraude hypothécaire à Brooklyn qui a détourné plus d’un million de dollars.

En profitant de sa liberté, Constant est devenu agent immobilier dans le Queens à NY, où il vivait librement au sein d’une communauté d’immigrants haïtiens – la même population qu’il avait jadis terrorisée. Le 28 Octobre 2008, il fut condamné à une peine de 12 à 37 ans de prison pour son rôle dans un complot de fraude hypothécaire à New York.

Emmanuel « Toto » Constant, l’ancien chef paramilitaire, est né le 27 décembre 1956, est à présent dans le collimateur de la justice du pays. En vertu du code de procédure pénale haïtien, les personnes condamnées par contumace ont le droit à un nouveau procès si elles se rendent ou sont arrêtées. Si un nouveau procès n’est pas tenu, il aura à passer le reste de sa vie en prison en Haïti.

R.L  |  J.F.M

À lire aussi: Emmanuel “Toto” Constant déporté, est placé en garde à vue à la DCPJ

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