« Seule la création d’un tribunal spécial ou d’une chambre spéciale peut favoriser la réalisation d’un vrai procès autour du dossier de l’assassinat de Jovenel Moïse », estime le CARDH.
Dans un rapport publié à l’occasion du deuxième anniversaire de l’assassinat du Président Jovenel Moïse, le Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH) renouvelle sa position pour la création d’un tribunal spécial ou d’une chambre spéciale. Pour cette structure, seule la création d’un tribunal spécial ou d’une chambre spéciale peut favoriser la réalisation d’un vrai procès autour du dossier, en raison de sa complexité.
Dans un rapport de 26 pages publié ce mercredi 5 juillet, le Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH) se prononce une nouvelle fois sur l’enquête autour de l’assassinat du 58e président de la République d’Haïti. Deux ans après ce magnicide, le CARDH dit constater que la justice haïtienne fait du surplace alors que la justice américaine, de son côté, avance à grands pas dans son enquête. « Rodolphe Jaar, un des 11 suspects détenus aux États-Unis, a été condamné à la prison à vie le 2 juin 2023. Le procès des autres suspects est programmé pour le mois de mai 2024 », avance-t-il.
Dans ce rapport, le CARDH évoque plusieurs raisons qui pourraient expliquer, selon lui, la lenteur de l’enquête en Haïti autour de cet assassinat. Entre autres facteurs, il évoque les limites de la justice haïtienne notamment les problèmes politiques, de procédure, de sécurité, de compétences, fragilisée davantage par l’enquête de la justice américaine, une autre famille juridique (Common Law) disposant d’une grande machine pour exercer ses compétences extraterritoriales.
Concernant les limites de la justice haïtienne, le CARDH rappelle, par exemple, qu’en Haïti les juges n’ont pas de compétences spécialisées et d’expertises pour les crimes internationaux et transnationaux alors que l’assassinat de Jovenel Moïse est un crime transnational. « Le système judiciaire haïtien forme des généralistes. Le cursus de l’école de la magistrature n’est pas adapté à l’évolution de la réalité nationale et internationale. Certains juges ont bénéficié d’une formation spécialisée de courte durée sur des questions », explique-t-il.
Aussi, pour l’organisation de défense de droits humains, « seule la création d’un tribunal spécial ou d’une chambre spéciale peut favoriser la réalisation d’un vrai procès autour de ce dossier, sinon une pléiade de juge d’instruction succèdera, bientôt un sixième, probablement, une parodie de procès après avoir vidé le dossier de sa substance ». L’organisme signale qu’il soutient cette position depuis le 22 mars 2022.
Le CARDH va un peu plus loin dans ses réflexions et considère que la création d’un tribunal spécial est une obligation de la coopération internationale découlant de la morale et de la solidarité internationales. « Il n’est pas superflu pour le CARDH de rappeler aux chefs d’État et de gouvernement, aux institutions internationales, dont les organisations des Nations unies (ONU) et des États américains (OEA), qu’ils ont la responsabilité de contribuer à la réalisation d’un vrai procès au nom de la solidarité et de la morale internationales », fait remarquer cette structure dirigée par Me Gédéon Jean.
Le CARDH cite par ailleurs six exemples de tribunaux hybrides existants qui, selon lui, peuvent aider les autorités haïtiennes et la coopération internationale à explorer l’option de la création d’un tribunal spécial ou d’une chambre spéciale. C’est le cas des chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens ; du tribunal spécial pour le Liban ; du tribunal pour la Sierra Leone ; des chambres extraordinaires africaines, des chambres spécialisées pour le Kosovo ou encore de la cour pénale spéciale en République centrafricaine.
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