Insécurité

Dieu-Nalio Chery ou le photojournaliste passionné contraint de quitter son pays

Dieu-Nalio Chery ou le photojournaliste passionné contraint d’abandonner sa terre natale.

C’est un Dieu-Nalio Chery totalement meurtri qui a laissé Haïti le vendredi 18 juin 2021. Ce choix douloureux, longuement réfléchi, a été la seule échappatoire offerte à ce photojournaliste de carrière dont le nom en dit beaucoup dans ce domaine en Haïti comme à l’étranger.

Marié, père de deux filles, celui qui a rêvé passer sa vie à documenter la vie des haïtiens et d’immortaliser chaque parcelle de l’évolution de leur société, est contraint de s’exiler pour pouvoir sauver sa peau et celle de sa famille. Des menaces de mort provenant des hommes de « G9 » en famille et alliés en sont la cause.

Tout a commencé le 17 mars 2021, lors d’une manifestation organisée par les policiers en rébellion réunis au sein du regroupement « Fantôme 509 » en vue de réclamer le corps des agents tués lors de l’opération policière menée au Village de Dieu le 12 mars 2021 et d’obtenir la libération de plusieurs frères d’armes placés en garde à vue au commissariat de Delmas 33.

Le seul péché commis ce jour-là par Dieu-Nalio Chery c’est d’avoir pris des photos- exigence professionnelle oblige – des scènes de vandalisme au commissariat de Delmas 33, d’un affrontement entre des individus armés et des agents de sécurité de la Maison Nissan au niveau de la route de l’aéroport qui a causé la mort de plusieurs personnes à l’intérieur de l’Autoplaza lors d’une tentative de pillage.

« J’ai fait tout le parcours avec les policiers (Fantôme 509) ce jour-là. Arrivés à Nissan, vu l’ampleur de la situation, des policiers encagoulés m’ont interdit de photographier ce qui se passait à l’intérieur de cette entreprise. J’ai immédiatement fait profil bas tout en prenant le soin de faire subtilement quelques prises pour mon agence », raconte le photojournaliste à la rédaction de Juno7.

« Soudainement, quelqu’un m’a alerté d’une tentative de pillage à CASAMI. Avec mon chauffeur, je me suis dépêché pour être sur place. En y arrivant, j’ai compris que c’était une fausse alerte. Sur le chemin du retour, j’ai vu des hommes lourdement armés provenant de Simon Pelé en train de faire chanter la poudre afin d’empêcher des pilleurs d’attaquer l’Autoplaza », explique-t-il précisant avoir pris des photos de plusieurs cadavres.

« Je suis arrivé au moment où les hommes de Simon Pelé traînaient comme des bêtes sauvages les cadavres des victimes pour les transporter dans le quartier en vue d’éviter qu’ils soient pris en photo ou filmés par des journalistes. Repéré par les auteurs de ces meurtres, j’ai failli laisser ma peau là bas », lâche avec peine le photojournaliste qui dit avoir vu la mort en face ce jour-là.

Genèse du calvaire du photojournaliste

Le calvaire de Dieu-Nalio Chery a commencé deux jours après avoir pris les images des horribles scènes de Simon Pelé. Depuis, les hommes de G9 en famille et alliés est à ses trousses. Ils ont même contacté l’un de ses proches pour mieux faire connaître leur intention. Ils affirment avoir été mis à nu par Dieu-Nalio Chery qui, on se le rappelle, ne faisait que son travail.

Paniqué, le photojournaliste devenu cible de bandits vit la terreur. Il en a informé sa femme. Dépassée par les évènements, cette dernière a du abandonner son travail pour éviter d’être attaquée en pleine rue et du même coup, s’assurer de la surveillance de leurs deux filles âgées de 11 et 5 ans. Celles-ci sont obligées de ne plus se rendre à l’école.

Jour après jour, les menaces se font de plus en plus persistantes. La situation allait empirer après que la voiture de Dieu-Nalio Chery a été criblé de balles par des hommes appartenant au G9. Craignant pour sa famille, il en a parlé à son agence (Associated Press). Aidé par des structures dont AJH, FOKAL, et son bureau (AP) en Haïti, le photojournaliste qui rêvait d’être témoin du quotidien haïtien et de le documenter à l’aide de sa caméra, a dû laisser le pays, a appris Juno7.

« J’ai fait ce choix pour pouvoir protéger ma famille. Mes proches le savent: j’ai jamais rêvé quitter mon pays. Ce métier, je l’avais choisi pour pouvoir être utile à mon pays, aux haïtiens les plus pauvres. car j’ai toujours voulu être le témoin de cette société », regrette le photojournaliste qui prêche la prudence aux jeunes qui choisissent ce métier.

Le 23 septembre 2019, au cours d’un incident devant le parlement haïtien lors de la session parlementaire qui devait approuver la nomination de Fritz William Michel en tant que premier ministre, Dieu-Nalio Chery avait reçu des éclats de balles au menton, lorsque le sénateur Jean Marie Ralph Féthière fait feu pour se défendre de manifestants. Il a subi une intervention chirurgicale au niveau du menton.

Les distinctions reçues par Dieu-Nalio Chery

2019 : Prix Philippe Chaffanjon du reportage multimédia avec Luckson Saint-Vil, Jean Marc Hervé Abelard;

2019 : Prix Robert Capa Gold Medal pour son reportage « Haïti : nation au bord du gouffre »

2020 : Prix Pictures of the Year International

2020 : Breaking news/story of the year de la National Press Photographers Association (NPPA)

2020 : Finaliste du Prix Pulitzer dans la catégorie « Breaking News photography »

En savoir plus:

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