« Je crois que l’expérience du passé continue inexorablement à avoir des effets sur l’organisation de la vie de la cité ». Voilà comment le sociologue Laënnec Hurbon a débuté sa conférence le 7 février 2023 à Paris, au local de la Délégation permanente d’Haïti auprès de l’UNESCO, autour de son ouvrage « Esclavage, religions et politique en Haïti », qui vient tout juste d’être publié aux Presses universitaires de Lyon. Le professeur a pris la parole au cours d’une journée qui marquait le 37e anniversaire de la fin du régime des Duvalier suite à un soulèvement populaire.
Plus de trente ans après la chute de la dictature, un véritable régime démocratique tarde à naitre en Haïti et les difficultés économiques y sont plus que jamais présentes, selon le directeur de recherche au CNRS. Son ouvrage, admet-il, vise à enrichir les débats concernant l’Haïti d’après Duvalier, « dans le contexte d’une parole haïtienne libre », tout en articulant les liens entre esclavage, religions et politique.
L’esclavage a favorisé une mémoire de la soumission certes souvent occultée mais dont les effets restent vivaces plus de deux cents ans après l’indépendance. Le poids de l’esclavage se fait sentir dans le fonctionnement de l’État, les champs politique, culturel et social, notamment. Malheureusement, jusqu’à ce jour, « Haïti ne dispose pas encore d’un musée de l’esclavage », soutient le Président du Comité national haïtien du projet de l’UNESCO « Les Routes des personnes mises en esclavage », anciennement connu sous le nom de « La route de l’esclave ».
Selon le professeur à la Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’État d’Haïti, les individus sont, à travers les religions, en quête des solutions individuelles aux difficultés liées à la vie de tous les jours. Cette quête « passe même par une méfiance envers les institutions politiques », ajoute le membre fondateur de l’Université Quisqueya à Port-au-Prince.
L’auteur du « Barbare imaginaire » et de « Comprendre Haïti » propose l’élaboration d’une nouvelle politique consciente des enjeux liés au bien commun. « Pendant deux siècles, Haïti a été, et est encore de nos jours, travaillée, sans succès, par la quête d’un système politique qui puisse parvenir à sauvegarder une véritable souveraineté, celle de l’ensemble des citoyens, donc sans exclusion d’une partie importante de la population », rappelle le chercheur en sciences humaines et sociales.
Après les commentaires du professeur Jean-Marie Théodat, les échanges avec le public aussi bien en ligne que présentiel, Laënnec Hurbon a procédé à la vente signature en avant-première de son dernier livre (dont la parution officielle est prévue pour le 23 février). Pour clôturer l’événement, tout en exprimant son avis sur la thématique, l’Ambassadeur Dupuy, Déléguée permanente d’Haïti à l’UNESCO, a réaffirmé l’un de ses objectifs : « faire connaitre à l’UNESCO les nouvelles publications d’Haïti, d’y mettre en valeur la pensée haïtienne, à travers, notamment, des expositions, des colloques et des conférences ».
Ricarson DORCE
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