Le 21 novembre dernier, le Président Jovenel Moise, après quatre journées de paralysie due au mouvement de ses opposants pour exiger son départ du pouvoir et des explications sur l’utilisation des fonds petrocaribe, dans une adresse à la nation a confié au Premier ministre Jean Henry Céant la mission de conduire le dialogue avec tous les secteurs de la vie nationale. « J’ai demandé au Premier ministre de rencontrer des gens dans tous les secteurs et de toutes les tendances » avait déclaré le chef de l’Etat dans la soirée du 21 novembre, debout, entouré entre autres du Premier ministre Jean Henry Céant.
Le Chef du gouvernement a en effet pris son bâton de pèlerin et a déjà rencontré plusieurs acteurs dont ceux de l’opposition qui ne jurent que par la démission de Jovenel Moise. Jean Henry Céant a proposé ce week-end un pacte de gouvernabilité qui vise entre autres à calmer la tension et à permettre à Jovenel Moise de boucler son mandat en toute quiétude. Bien entendu si tous les acteurs acceptent cette proposition.
Alors que le Chef du gouvernement mène la danse, comme un coup de tonnerre, le vendredi 7 décembre, le maire démissionnaire des Cayes, Gabriel Fortuné, en mode trouble fête annonce dans les médias que le Président Jovenel Moise lui a donné mandat pour conduire les négociations avec tous les secteurs, le Premier ministre Jean Henry Céant ayant mal abordé ces pourparlers. Depuis, aucune note de la Présidence pour démentir ou pour clarifier. Le pays nage en pleine confusion !
Est-ce que Gabriel Fortuné, qui il y a peu, a fait une sortie en règle contre la plupart des leaders de l’opposition, serait la bonne personne pour arborer aujourd’hui son manteau de rassembleur? A-t-il, au regard des attaques récentes contre l’opposition, la crédibilité qu’il faut pour remplir cette mission exigeant un leadership transcendantal pour rassembler tous les secteurs, tous les acteurs autour de la table de dialogue et trouver ensemble la meilleure issue à la crise? Celui qui a préféré démissionner pour ne pas répondre aux revendications de la population de la ville dont il a la charge pense pouvoir conduire un dialogue impliquant les secteurs clés de la nation pour résoudre une crise majeure. Le président de la République veut-il sortir le pays de la crise ? Est-il sérieux ? En décidant de confier à Gabriel Fortuné qui a du mal à administrer sa commune la charge de rencontrer les différents secteurs autour de la crise, Jovenel Moise ne fait que mettre de l’huile sur le feu.
Ancien député du peuple, Gabriel Fortuné avait interdit au groupe Sweet Micky de performer dans la ville des Cayes prétextant que Martelly à l’époque sapait les valeurs morales. Quelques années plus tard, ce même Gabriel Fortuné en tant que maire a accueilli triomphalement le président chanteur qui a muri dans ses propos grivois. C’est ce Gabriel Fortuné indécis, conflictuel, ancien membre de la commission consultative sous l’administration de Michel Joseph Martelly qui a eu des échanges orageux avec l’homme d’affaires Réginald Boulos, lui-même coordonnateur de cette commission qui a obtenu la démission de Laurent Lamothe à la primature qui est délégué pour doubler le rôle constitutionnel du premier ministre Jean Henry Céant. Mais que veut exactement le Président de la République? Veut-il résoudre la crise? Et comment peut-il prétendre sortir des mécanismes institutionnels pour entrer dans l’informel avec tous les risques de tout faire foirer? Et que pense Jean Henry Céant de cette fausse posture du Chef de l’Etat qui se comporte comme un joueur de poker qui a tiré un joker de sa manche?
De quel budget Gabriel Fortuné dispose t-Il? On a le droit d’être sceptiques quant aux chances de réussite du maire démissionnaire des Cayes. Personne ne sait à quoi vont aboutir les démarches de Gabriel Fortuné. Ce dont lui il est certain, il est un « ayant droit » pour avoir, en tant qu’entrepreneur, investi dans la campagne de Jovenel Moise. «Lorsque Réginald Boulos décide de rencontrer tous les secteurs, ça ne pose aucun problème. Les ambassadeurs des pays amis d’Haiti négocient avec les acteurs, ça ne dérange pas. Quand le président me demande de conduire les négociations, tout le monde se pose des questions » se lamente Gabriel Fortuné. Sauf que le maire démissionnaire des Cayes ne comprend pas que dans une République démocratique, non bananière, les affaires de l’Etat ne peuvent être traitées par un tiers, un entrepreneur-ami du président qui a accès à ses messages sur whatssapp parce qu’il est tout simplement un « ayant droit ». Un émissaire qui a ce profil ne peut donner de résultats.
Dans cette confusion, plus d’un se demande est-ce que le Président Jovenel Moise a la volonté de résoudre la crise sociopolitique et économique à laquelle fait face le pays ? Qui conseille Jovenel Moïse? Ou du moins, est-ce que le Président de la République réputé têtu n’en fait vraiment qu’à sa tête? Est-ce que certains des proches collaborateurs du Président veulent contribuer à tout prix à son échec ? Est-ce que le chef de l’Etat en nommant, bien que de manière officieuse, un nouvel émissaire ne fait plus confiance au Premier ministre Jean Henry Céant ? Est-ce que le chef de l’Etat veut effectivement négocier pour une sortie de crise ? Est-ce que la priorité de nos dirigeants est de créer des conditions pour garantir un mieux être à la masse défavorisée ?
En attendant des réponses à ces questions, si réponse il y en aura, le pays s’enlise, le prix des produits de première nécessité ne cesse de grimper, aujourd’hui nous avons besoin de 77 gourdes pour un misérable dollar. Nos chefs chicanent, donnent des coups bas… le pays, sur le plan social, moral, politique, économique et autres est en pleine décomposition…
MRP