Depuis des mois, des foyers de tension sont ravivés dans plusieurs quartiers populaires de la région métropolitaine de Port-au-Prince comme ce fut le cas en 2005, vers la fin de la transition dirigée par l’ancien premier ministre Gérard Lalortue, et 2006, au début du deuxième mandat de cinq ans de feu René Préval. On se souvient de “ l’Opération Bagdad” qui a coûté la vie à de nombreuses personnes.
La guerre des gangs armés dans plusieurs quartiers populaires du pays ne date pas d’aujourd’hui. A chaque nouveau bidonville, ses gangs armés. Le cas de Canaan par exemple. Mais comment la société comprend les conflits armés dans les quartiers défavorisés? Comment nos dirigeants,en général, abordent cette épineuse question?
A chaque fois que le pays doit faire face aux actes de violences maintenus et entretenus dans les quartiers où vivent en majeure partie des gens pauvres et vulnérables, plusieurs secteurs de la société, des dirigeants, députés et sénateurs et même le chef de l’Etat ont tendance à acculer la police nationale.
En effet, après la diffusion cette semaine sur les réseaux sociaux de plusieurs vidéos montrant des corps violentés, sans vie sur des piles d’immondices, des sénateurs et députés, menacés plus que jamais eux aussi par les violences armées, croient qu’il est de bon ton de convoquer en urgence le conseil supérieur de la police nationale.
“Le directeur général de la police doit venir au parlement pour expliquer le plan de sécurité de la police nationale, sa stratégie pour contrer les actions des gangs armés”. Une aberration!
Comme si la police pourrait dévoiler au grand public son plan de sécurité. Comme si la police nationale à elle seule peut assurer la sécurité, garantir la stabilité et la paix sociale.
En 2006, lorsque la guerre des gangs faisait rage à Cité Soleil, Solino, Bel-Air entre autres, le président René Préval, de regretté mémoire, avait pris sur lui de convoquer tous les secteurs de la vie nationale en vue de stabiliser le pays sur le plan politique. En bon leader, il avait réussi son coup.
Sur le plan social, il avait compris que la situation sociale et économique précaire des familles dans les quartiers défavorisés se prêtaient aux activités des gangs armés, qui la plupart du temps remplacent les institutions de l’Etat. René Préval, pour faire face à cette situation, a donné plein pouvoir au ministre des affaires sociales à cette époque qui a initié des programmes sociaux à l’intention des couches défavorisées.
Le côté sécurité n’était pas négligé. Le directeur général de la police nationale avait les coudées franches, il a pu,sans restriction, définir des stratégies et mettre en œuvre le plan de sécurité de l’institution policière.
Parallèlement, l’administration de René Préval avait créé la Commission nationale de désarmement, démantèlement et réinsertion. Nous ne savons pas si ce programme a été un échec ou pas. Cependant ce programme qui a apporté un certain apaisement dans les quartiers populaires pendant au moins 4 ans, n’a pas eu de suivi. Personne, au nom de la continuité de l’Etat, n’a informé le pays des résultats, bons ou mauvais, de ce projet.
Et depuis, aucune initiative planifiée et concertée n’a été prise par les plus hautes autorités du pays pour faire taire les armes dans les quartiers populaires. Les rares initiatives pour promouvoir la paix et combattre la violence dans certains quartiers viennent de la police nationale et de certaines organisations dont Viva Rio et la MINUJUSTH.
Au contraire les foyers de tension se sont multipliés et gagnent du terrain. C’est le cas notamment de Canaan, ce vaste bidonville créé après le séisme du 12 janvier 2010.
Si rien n’est fait rapidement, les propriétaires d’hôtels sur la côte des Arcadins et d’autres institutions commerciales seront contraints de fermer les portes de leurs entreprises en raison des violences armées à Canaan qui pourraient avoir des conséquences sur les usagers de la nationale # 1 en général et leurs potentiels clients en particulier. Et ce sera dommage pour le pays qui n’a déjà pas suffisamment d’emplois pour permettre à ses fils et filles de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires.
Dans ce contexte de tension sociale, d’insécurité, de violences armées dans la plupart des quartiers populaires de la région métropolitaine de Port-au-Prince tout le pays, les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, le secteur privé des affaires, le simple citoyen fondent leur espoir sur les 16 mille policiers que compte la police nationale dépourvue de moyens. L’institution policière dans ces conditions peut à tout moment perdre les pédales.
N’est-ce pas là une bonne occasion pour les dirigeants de définir la responsabilité de chaque institution en ce qui concerne la sécurité du territoire, des citoyens et de leurs biens?
Sans vouloir faire l’apologie de l’ancien président René Préval nous pensons que dans ce contexte où la crise politique, économique et sociale est à son paroxysme, pire qu’elle n’a été en 2006, les initiatives de l’administration Préval pour y remédier peuvent être rééditées notamment en ce qui a trait aux violences armées dans les quartiers défavorisés.