Getting your Trinity Audio player ready...
|
Face à des divisions profondes et des contentieux historiques entre les acteurs politiques, j’avais initialement exprimé des doutes quant à l’efficacité du Conseil Présidentiel. Néanmoins, sa composition et sa diversité m’amènent à reconsidérer cette position. Peut-être que le Conseil Présidentiel est à même d’initier un dialogue inter-haïtien, une démarche vers une Conférence Nationale souhaitée de longue date, qui pourrait enfin permettre à la nation haïtienne de se réconcilier.
Je tiens à rendre hommage au Dr. Turnep Delpe, dont l’engagement politique a grandement contribué à l’avancement de cette idée de Conférence Nationale.
Le Conseil Présidentiel représente un défi majeur, notamment en raison de la nature concurrentielle des secteurs représentés, chacun ayant des intérêts politiques spécifiques. Malgré des contentieux politiques et générationnels persistants, je constate un début de volonté de dépassement des différends, un élan positif à encourager.
La période suivant la fin du régime de Jean-Claude Duvalier en Haïti a été marquée par une exclusion politique institutionnalisée à travers l’article 291 de la constitution de 1987, interdisant à ceux associés au régime précédent de participer activement à la vie politique du pays pendant environ dix ans. Cette politique d’exclusion a contribué à une instabilité chronique. Tout comme l’exclusion massive des partisans du Parti Lavalas de la fonction publique suite à la chute du gouvernement Aristide/Nepturne en 2004.
C’est dans ce contexte que l’intégration des acteurs de l’accord du 21 décembre dans les négociations a représenté une initiative positive et sans précédent, permettant à ceux associés au pouvoir sortant de s’engager activement dans le dialogue politique plutôt que de chercher refuge ou de s’exiler. Cet esprit d’inclusion est crucial à préserver.
La place de l’Accord Montana dans le Conseil Présidentiel mérite une attention soutenue. Cette structure a mis en avant l’importance de la dualité du pouvoir et du respect de la souveraineté nationale. Les négociations ont montré une détermination du groupe à respecter l’esprit de la constitution haïtienne, malgré des concessions faites, comme l’acceptation d’une mission internationale de soutien à la sécurité, ce qui a été critiqué par certains. Néanmoins, ils ont réussi à imposer l’idée d’un gouvernement bicéphale.
Quant à la coalition RED/EDE/Compromis Historique, elle s’est distinguée par la nomination de deux femmes au Conseil Présidentiel, marquant un pas vers la reconnaissance du rôle historique des femmes dans la stabilisation politique d’Haïti. En effet, c’est grâce au leadership de madame Ertha Pascal Trouillot que le 16 décembre 1990, Haïti a pu organiser ses premières élections libres, transparentes et démocratiques depuis la fin du régime de Jean Claude Duvalier.
La nomination de Madame Marie Ghislaine Monpremier, suivie de celle de l’Ambassadrice Dominique Dupuy, illustre clairement l’intention de cette coalition de marquer l’histoire et, du coup, renouveler le panorama politique en présentant des femmes qualifiées, énergiques et honnêtes comme candidates.
La réaction solidaire, tant au niveau national qu’international, face aux attaques sexistes et misogynes contre Madame Dupuy, témoigne de l’attention et du soutien que la société haïtienne et la communauté mondiale portent aux décisions éclairées prises par cette coalition.
En remplaçant Madame Dupuy par l’Ambassadeur Smith Augustin au Conseil Présidentiel, cette coalition continue de promouvoir l’idéal de la jeunesse, de l’excellence, du professionnalisme, de l’intégrité et de l’efficacité. Si cette coalition parvient à surmonter les divergences et à persévérer dans le temps, il est clair qu’elle jouera un rôle crucial dans la transformation de l’espace politique en Haïti.
En outre, Pitit Dessalines, un acteur majeur de la politique haïtienne, a également trouvé sa place dans le Conseil Présidentiel, ce qui indique une ouverture au dialogue et à la participation de différentes forces politiques dans le processus actuel.
Enfin, des figures telles que l’architecte Leslie Voltaire, l’ancien Sénateur Edgar Leblanc, Dr Gilles, M. Saint Cyr du secteur privé se distinguent également par leur expertise et leurs accomplissements, formant ainsi une représentation remarquable au sein du Conseil Présidentiel.
Par ailleurs, la situation actuelle en Haïti est extrêmement grave, avec une crise sécuritaire et humanitaire menaçant l’existence même de l’État. L’installation rapide du Conseil Présidentiel est urgente pour aborder ces défis immédiats. Le CP a l’opportunité de faciliter la réconciliation nationale en surmontant les divisions internes et en se concentrant sur l’intérêt général du peuple haïtien. Cela nécessitera de la détermination et du courage pour traiter des sujets difficiles et avancer vers une société plus unie et pacifiée.
Le Conseil Présidentiel peut éviter une détérioration plus grave de la situation. Il peut poser des jalons pour un pacte républicain renouvelé, excluant les actions violentes et destructrices.
Richenel Ostiné
Maître en administration et politiques de l’éducation
Université Laval (Québec, Canada)
A lire aussi :
USA | Les parents d’un lycéen auteur d’une tuerie condamné à 10 ans de prison