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« L’Etat haïtien n’a pas de position sur le massacre du président Jovenel Moïse », déplore le CARDH

« L’Etat haïtien n’a pas de position sur le massacre du président Jovenel Moïse », déplore le CARDH qui estime que l’enquête sur le massacre du 58ème président haïtien ne marche pas

Dans un rapport long de 74 pages, le Centre d’analyse et de recherche en droit de l’homme  (CARDH) est revenu sur l’assassinat du chef de l’Etat survenu le 7 juillet dernier dans sa résidence au terme d’un complot qui a impliqué ses agents de sécurité, des personnalités politiques, des hommes d’affaires et des mercenaires colombiens selon l’enquête de police judiciaire. Il critique la posture de l’État haïtien qui devrait avoir une position sur l’affaire, ce qui donnerait une orientation et rendrait la tâche plus facile à la justice haïtienne. 

« Sur le plan institutionnel, le président Moïse a été assassiné dans un contexte où les institutions sont fragiles et la société haïtienne est traversée par des crises politiques, sociales, économiques… 

L’Etat haïtien n’a pas de position sur le massacre du président Jovenel Moïse par des « militaires » colombiens. L’Exécutif fragile dont dispose le pays après le meurtre et le dysfonctionnement du Parlement expliquent au prime abord cette carence », a indiqué l’institution de défense des droits humains.

Perspective sombre pour la justice hattienne 

L’organisme de droits humains a souligné le fait que la justice haïtienne, dysfonctionnelle de fait et de droit, ne peut pas réaliser le procès du massacre du 58ème président haïtien. Le droit n’est pas adapté à la nature du crime. Les contraintes sont procédurales, politiques, environnementales…Une réforme devra être envisagée et l’institution d’un tribunal spécial (tribunal hybride par exemple) est à explorer si l’on veut réellement réaliser ce procès, sinon ce sera la rhétorique : désistement en cassade des juges pour raison de sécurité et faute de moyens, délai d’instruction insuffisant, dénonciations dans les médias, l’enquête se poursuit. 

Des trois juges d’instructions successivement désignés, deux ont désisté sans prendre connaissance du dossier (Mathieu Chanlatte et Chavanne Etienne). Le juge Orélien a auditionné des inculpés et a libéré provisoirement quatre d’entre eux. Il a été ensuite écarté par une ordonnance du doyen pour non-respect du délai de l’instruction (trois mois), ce qui a créé désormais un précédent, car selon les recherches effectuées aucun juge n’avait conclu l’instruction dans le délai imparti. Certains dossiers y ont passé des années avant de tomber dans l’oubliette…

Le CARDH souligne aussi que la justice haïtienne est aujourd’hui dysfonctionnelle de droit, à l’instar du Parlement qui compte dix sénateurs recevant leur émolument. Il y a lieu de poser le problème institutionnel fondamental qui, sans doute, est un frein au dossier. Aussi, l’enquête policière menée par la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) pendant une vingtaine de jours (du 8 juillet au 2 août 2021) est partielle, donc limitée. Elle ne saurait être la base de l’instruction judiciaire qui d’ailleurs ne suit pas forcément la logique et la méthode de l’enquête policière. 

Les pistes politique et économique

Pour les pistes économiques, le CARDH souligne que le président Jovenel Moïse a mené une bataille frontale contre des familles traditionnelles ayant le monopole des domaines importants et stratégiques dont l’énergie. A travers le Bureau de gestion des programmes d’aide au développement (BMPAD), il a pris le contrôle du secteur pétrolier au détriment de ceux qui l’avaient « placé » au pouvoir (du groupe Ruby à West Indies Petroleum). L’économie serait une piste à ne pas négliger.

Toujours dans ce rapport, le CARDH affirme que l’enquête devrait explorer la criminalité transnationale dans laquelle son entourage est impliqué : trafic de la drogue, d’armes et autres, grande corruption, blanchiment…En outre, le président aurait été sur le point de livrer des drogues dealers de sa famille politique et économique à la justice américaine, a indiqué le CARDH. Jovenel Moïse devrait absolument remettre le pouvoir au PHTK. Cependant, il a rompu ses liens avec le parti. La trahison n’est pas seulement économique, elle est aussi politique.

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