« Evasion planifiée » à la prison de la Croix des Bouquets: le réseau national de défense des droits humains exige des sanctions contre les coupables
Pour le réseau national de défense des droits humains, il ne fait aucun doute que le drame survenu à la prison de la Croix des Bouquets le 25 février 2021 a été planifié et visait la libération du chef de gang Arnel Joseph. « En effet, les moyens déployés, le minutage, la présence sur les lieux d’un véhicule de SANCO Entreprises S. A., tout a été prévu, dans les moindres détails et tout porte à croire que l’opération consistait à libérer le chef de gang de Village de Dieu, Arnel JOSEPH », précise le RNDDH.
A la faveur de ces événements, 31 détenus sont décédés, 433 se sont évadés, 87 détenus ont été réappréhendés et 346 détenus sont encore en cavale. Les personnes impliquées doivent être sanctionnées et les noms et les photos des trois-cent-quarante-six (346) détenus en cavale publiées, exige le RNDDH.
Dans les conclusions de son rapport rendu public le 1er Avril 2021, le RNDDH affirme que parmi les 32 personnes tuées, 28 sont décédées le jour du drame: le responsable de la prison tué devant la barrière et 6 détenus, dans l’enceinte-même de la prison; 21 autres détenus ont été systématiquement traqués par les agents des unités spécialisées de la PNH et ont été sommairement exécutés dans les rues de la Croix-des Bouquets; Arnel JOSEPH tué à l’Estère, le lendemain du drame et 3 autres détenus ont succombé à leurs blessures à l’HUEH.
Le réseau dénote, dans ce rapport, un désordre généralisé dans le fonctionnement de la prison. En effet, il y avait une « absence répétée des agents sur leurs lieux de travail, 1 cadenas par barrière, un commerce de nourriture dans la prison, des téléphones portables en vente à la prison. » « L’effectif théorique de la prison est de 86 agents. L’effectif réel est 43. Le 25 février 2021, une
vingtaine d’agents aurait dû être présents. Et, peu importe le nombre ayant pris poste effectivement, 7 ou pire, 6 agents seulement étaient affectés à la détention. »
« Sur l’évasion enregistrée en date du 25 février 2021, des rumeurs de plus en plus
persistantes circulaient, faisant croire qu’un coup était en train d’être planifié. […] Des agents de l’Equipe Pénitentiaire d’Intervention et d’Escortes (EPINES), une unité spécialisée de la Police Nationale d’Haïti (PNH) chargée d’intervenir dans les prisons lors des troubles et de convoyer les prisonniers-ères, ont été informés à 10 heures 45 du matin, par un détenu, qu’une évasion allait avoir lieu le même jour.
L’information a été rapidement retransmise aux responsables de la DAP », indique le RNDDH dans ce rapport. Le RNDDH reste convaincu que l’évasion planifiée du 25 février 2021 n’aurait pu l’être de la sorte et que des armes n’auraient pu être introduites dans l’enceinte de la prison, sans la participation active d’agents de la DAP.
Il est souligné dans ce rapport qu’Arnel Joseph, a tenté de s’enfuir à deux reprises en 2020. « Les 2 tentatives d’évasion de Arnel JOSEPH en 2020 et les rumeurs persistantes sur la préparation de l’évasion du 25 février 2021 n’ont pas été prises au sérieux par les autorités pénitentiaires. » Arnel JOSEPH était soumis à un régime pénitentiaire très permissif : il recevait de fortes sommes d’argent par CAM transfert et avait constamment plusieurs téléphones portables intelligents à sa disposition », lit on dans ce document. De 2019 à 2021, pendant son incarcération, Arnel JOSEPH a reçu au moins 10850 dollars américains.
Sur la base de ces conclusions, le RNDDH recommande à la Direction Générale de la PNH, à la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) et à l’Inspection Générale de la PNH de : prendre contact avec les membres des familles des trente-et-un (31) détenus décédés dans
le cadre des événements du 25 février 2021 ; enquêter sur l’implication des agents de la DAP dans la préparation de l’évasion du 25
février 2021 ; enquêter sur les nombreuses activités commerciales des agents au sein de la prison ; élucider les circonstances de l’assassinat du responsable de la prison Paul Joseph Hector.