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Politique

Haïti: le Dr Fritz Dorvilier presente sa thèse sur la question du mandat présidentiel

Haïti: le Dr Fritz Dorvilier presente sa thèse sur la question du mandat présidentiel

Le Dr Fritz Dorvilier presente une analyse éclairée avec des explications sur la question du mandat présidentiel

Quant à la question de fin de mandat du président Jovenel Moïse, le Docteur en Sciences sociales et juriste Fritz Dorvilier, a produit une analyse éclairée avec des explications basées sur des théories de droit constitutionnel et administratif. Selon lui, l’élection présidentielle de 2015 a été anéantie par un arrêté présidentiel. Du fait qu’elle est réputée n’avoir pas existé, le Président élu (Jovenel Moïse) a pris fonction le 7 février 2017 suivant la date de son élection en l’occurrence le 20 novembre 2016 ou celle de la proclamation des résultats le 7 janvier 2017. Somme toute, connaissant la férocité des combats politiques en Haiti, il a prêché le consensus pour une sortie de crise.

Juno7: Dr Fritz Dorvilier, quelle est votre thèse juridique sur la question de fin de mandat du président en 2021 ou 2022?

Dr Fritz Dorvilier: Ma thèse juridique, c’est que, du point de vue du droit administratif et du droit constitutionnel, le mandat de l’actuel Président doit régulièrement se terminer le 7 février 2022.

On mobilise le terme de « processus électoral » pour asseoir la thèse de la fin du mandat en 2021, mais ce terme n’a aucun fondement juridique. Le processus électoral n’est pas, en bloc, un acte administratif unilatéral. De plus, ce terme se trouve nulle part dans la Constitution de 1987 amendée qui fait plutôt mention, en son article 191, d’opérations électorales.

Il faut aussi faire remarquer que ni le décret électoral ni la Constitution n’établissent de rapport de connexité, pour ainsi dire, entre les postes ou fonctions électorales, au sens que l’interruption ou l’annulation d’un vote ou d’une élection n’agit pas sur tous les votes ou toutes les élections dans toutes les assemblées électorales. En témoignent les articles 235.1 et 235.2 du Décret électoral du 2 mars 2015. En conséquence, à contratio, le fait que le processus électoral ait été enclenché en 2015 n’implique pas de façon absolue que le mandat présidentiel doit débuter le 7 février suivant, en l’occurrence en 2016.

Juno7: Que dit la constitution de 1987 amendée sur la durée de mandat du président ? Que dit le décret électoral de 2015?

Dr Fritz Dorvilier: La Constitution de 1987 amendée dit, en son article 134-1, que  » la durée du mandat présidentiel est de cinq (5) ans. Cette période commence et se termine le 7 février suivant la date des élections ».
Il faut noter qu’elle parle là d’élection au pluriel. Il est difficile de savoir ce que cela veut dire. Fait-elle référence aux deux éventuels tours de l’élection présidentielle ou aux élections pour les autres fonctions électives? L’article 134-2 permet d’opter pour la première. Cet article renseigne également sur le mandat présidentiel, et ceci dans deux sens.
Le premier se rapporte à la cinquième année d’un mandat finissant, ce qui n’a pas existé pour le cas en question puisque la présidence de Privert est un  » objet constitutionnel non identifié « . Autrement dit, l’élection présidentielle de 2016 n’a pas lieu au cours de la cinquième année d’un mandat présidentielle. Il faudrait d’ailleurs déterminer la nature constitutionnelle de la présidence de Privert afin d’approfondir le débat sur la durée du mandat de l’actuel Président de la République.
Le second renvoie à la date de l’élection présidentielle – au singulier cette fois, faut-il remarquer – et à celle de l’entrée en fonction du président élu. Cette disposition comporte toutefois un tempérament qui pose problème, à savoir celui qui dicte qu’au « cas où le scrutin ne peut avoir lieu avant le 7 février, le président élu entre en fonction immédiatement après la validation du scrutin et son mandat est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection ».

Il faut noter que dans le second alinéa de l’article 134-2, il est question de la date du 7 février qui suit la date de l’élection du président élu et non la date de l’enclenchement du processus électoral. Et le tempérament introduit dans cet article concerne la date de l’élection du président élu. En qui concerne le Décret électoral de 2015, il reprend en partie en son article 37 les articles 134 et 134-1 de la Constitution de 1987 amendée.

Juno7: Comment définir le temps constitutionnel et le temps électoral à la lumière du droit public ?

Dr Fritz Dorvilier: Ces notions de temps constitutionnel et de temps électoral me posent un sérieux problème d’ordre à la fois épistémologique, juridique et sociologique. Je n’aurai pas le temps de développer ici ce problème.

Mais, je dirais qu’il y a plusieurs temps dans la Constitution : le temps symbolique, mythique ou fondateur qu’est le 7 février; le temps des mandats électifs; le temps de la révision constitutionnelle. Quant au temps électoral, c’est plus spécifiquement le temps des opérations électorales, les délais de dépôt de candidature, les délais de contestation des candidatures, la durée de la campagne électorale, la date du scrutin, les délais de recours contentieux, la date de publication des résultats, la durée des mandats des fonctions électives.

Je pense néanmoins que la question concerne beaucoup plus l’achoppement ou l’harmonisation des temps constitutionnel et électoral, notamment le temps des mandats. Dans ce cas, le problème est beaucoup plus sociologique que juridique puisque les mandats des différentes fonctions électives ne sont pas obligés d’être harmonisés. L’harmonisation se révèle beaucoup plus être un paramètre politico-social, au sens d’éviter d’avoir trop d’élections afin d’épargner le pays de récurrents troubles politiques et les petites caisses de l’État de trop de débours. Autrement dit, un État peut avoir autant d’élections ou de temps électoraux qu’il veut; il suffit qu’il se donne
les moyens sociaux (niveau d’éducation, consensus social) et économiques appropriés.

Juno7: Avez-vous lu la position de Madame Manigat? Si oui, quel est votre avis juridique et sociologique ?

Dr Fritz Dorvilier: Oui, j’ai lu la position écrite de la Professeure Manigat sur la question des dates d’entrée et de sortie du Président Jovenel Moïse. Je ne suis pas convaincu par cette position, et ceci pour deux principales raisons. Premièrement, la position n’est pas juridiquement argumentée. Elle n’a mobilisé ni le droit administratif ni le droit constitutionnel pour étayer sa position. Deuxièmement, le récit historique qu’elle a fait n’est pas approprié à la nature du problème posé. Cela ne veut pas dire que l’approche historique n’est pas importante, mais elle ne peut pas être mobilisée pour déterminer la date de fin du mandat du Président actuel. D’autant que ces faits historiques ont contribué non pas à renforcer le système politique du pays, mais à le déstructurer et l’affaiblir.

Contrairement à sa position, je pense que l’élection présidentielle de 2015 n’existe pas. Elle a été anéanti par un arrêté présidentiel. L’élection présidentielle qui a existé, puisqu’elle n’a pas été régulièrement contestée par par-devant qui de droit, c’est celle de 2016. C’est pourquoi le Président élu a pris fonction le 7 février 2017 suivant la date de son élection en l’occurrence le 20 novembre 2016.

Juno7: Quelle est votre compréhension globale sur une éventuelle transition en Haïti au cas où les élections n’auront pas lieu à temps pour une passation démocratique en douceur ?

Dr Fritz Dorvilier: Ma compréhension est que nous continuerons à perpétuer dans notre être d’entité chaotique ingouvernable. Nous ne faisons que recommencer les mêmes expériences politiques qui n’ont donné aucun résultat positif. Il y aurait donc une transition de plus. Et la lutte à mort pour le pouvoir va continuer jusqu’à l’effondrement total de notre Nation.

Il faut dire que la cause du problème politique haitien n’est pas seulement juridique ou constitutionnelle. C’est surtout un problème de modèle de citoyens et de citoyenneté.

En guise de denier mot, je dirais qu’il importe plutôt de trouver un consensus afin d’éviter une nouvelle crise politique dans le pays. Cette entente peut se faire autour de deux éléments : le changement de Constitution et l’acceptation par le Président Jovenel Moïse d’écourter d’un an son mandat. Ce qui permettra, en autres, d’harmoniser les mandats des élus et d’avoir une Constitution plus rationalisée et adaptée.

Fritz Dorvilier

Docteur en Sciences sociales et juriste

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