Dans son dernier rapport intitulé « Un ordre public assassin et/ou défaillant expose la société à la violation massive et systématique des droits humains », la Fondasyon Je Klere (FJKL) dresse un tableau sombre de la situation en Haïti depuis le début des mouvements de protestation.
Cette période, de septembre 2019 à aujourd’hui, est caractérisée par des actes de violations massives et systématiques des droits humains, selon la FJKL. « Le bilan est lourd : des dizaines de morts, des centaines de blessés, de nombreux cas d’arrestations illégales, de coups et blessures ».
Face à la contestation populaire, le Chef de l’État choisit la voie de la répression politique, affirme la FJKL. Elle justifie ses dires en se référant au double discours du pouvoir en place. « Le pouvoir en place a un double discours : l’un officiel prônant la justice, la lutte contre la corruption [..] et l’autre souterrain qui mobilise les forces obscures pour la répression politique, et qui favorise l’accord tacite avec les gangs armés pour semer le deuil et le désarroi dans la famille haïtienne » affirme-t-elle.
L’organisme de défense des droits humains en arrive même à se demander si le pays n’est pas revenu au temps des escadrons de la mort. Pour étayer ses dires, la FJKL présentent un ensemble d’évènements survenus durant cette période.
Elle cite entre autres le cas des véhicules sans plaque d’immatriculation qui tirent sur des manifestants ou des personnes réputées opposées au pouvoir en place, la participation de policiers encagoulés dans les opérations de maintien d’ordre, l’assassinat de citoyens pour la plupart des militants politiques au cours de la nuit. Mais également le massacre de Savien où le principal suspect, le chef de gang Odma, avait publiquement déclaré que ses armes lui ont été fournies par le député de la Petite Rivière de l’Artibonite Profanne Victor, un supporteur de Jovenel Moise.
« Tous ces faits, non exhaustifs, supportent la thèse que ces crimes sont perpétrés avec l’accord, au moins tacite, du gouvernement » soutient l’organisation.
Par ailleurs, la FJKL déplore les cas de violations systématiques et massives de droits humains par la police lors de ces mouvements.
Outre le fait que presque toutes les manifestations populaires ont pris fin par des interventions policières avec usage abusif de gaz lacrymogène, de balles en caoutchouc ou de balles réelles faisant des morts et des blessés, la FJKL cite environ 13 cas où des citoyens sont tués ou victimes de tentatives d’assassinat.
Parmi ces cas, elle cite l’assassinat le 16 septembre 2019 de Vladimir Phédé, la mort par balles le 31 octobre 2019 aux Gonaïves de Francenet Cilicien, celle aussi le 4 octobre 2019, au Cap-Haitien, de Carline Jean, une femme de 56 ans, par la PNH lors de la dispersion d’une manifestation anti-gouvernementale.
Malgré ces méfaits flagrants, l’organisation dit constater une absence de sanctions. Le pouvoir en place n’a rien fait pour prévenir les crimes, identifier, rechercher et punir les coupables, déplore-t-elle. Ce qui pousse la FJKL à qualifier l’attitude des autorités de « criminelle ».
« Il est de principe que l’inaction des autorités civiles pour prévenir et sanctionner les graves violations des droits humains dans la région métropolitaine, à Saint-Marc, à Mirebalais… équivaut à une négligence criminelle engageant leur responsabilité pénale individuelle » soutient-elle.
Autre fait alarmant relevé par la FJKL est « la tendance à l’apologie de la violence de la part de groupes pro ou anti-gouvernementaux et l’infiltration d’individus armés dans les contestations populaires ». Ce qui pousse l’organisation à s’interroger sur la capacité des opposants à mener à bien une transition politique réussie.
Enfin, la FJKL invite le président Jovenel Moise à écouter la voix du peuple et épargner au pays un bain de sang ou l’affront d’une nouvelle occupation étrangère. Elle recommande à la justice de sévir en toute impartialité contre ceux qui violent les droits humains.