Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a pris part le 3 octobre 2018, à une conférence de presse donnée par la mairesse titulaire de Tabarre, Nice SIMON. Au cours de cette conférence, elle a confirmé avoir été sauvagement battue par son conjoint Yves LEONARD dans la soirée du 2 octobre 2018, authentifiant ainsi les photos d’elle qui circulaient sur les réseaux sociaux. Elle a aussi fourni des détails relatifs à son agression, a dévoilé les nombreux hématomes qu’elle porte sur son corps et a exigé que les autorités judiciaires mettent l’action publique en mouvement à l’encontre de son agresseur.
Le RNDDH prend acte des fracassantes déclarations de la mairesse, qui affirme avoir été agressée en raison de sa volonté de ne pas faire obstacle à une enquête menée par l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), impliquant, selon toute vraisemblance, son conjoint et l’administration communale précédente.
Le RNDDH condamne avec la plus grande rigueur, les agressions subies par la mairesse Nice SIMON. Il s’agit d’une atteinte grave à l’intégrité physique, psychique et morale, exercée à l’encontre d’une personnalité en fonction. Cependant, à l’instar de la Solidarite Fanm Ayisyèn – SOFA, le RNDDH juge regrettable que tout le corps de la victime ait été dévoilé car, plutôt que les photos et les images enregistrées, un certificat médical lui aurait été plus utile. De plus, le RNDDH prend le temps d’attirer l’attention de la population sur le fait que si l’agression subie par la mairesse est médiatisée, cela ne sous-entend pas qu’il s’agit d’un cas isolé. En effet, plusieurs femmes subissent chaque jour des cas de violences physiques sexo spécifiques. Ces cas sont suffisamment dénoncés et les suivis judiciaires y relatifs n’aboutissent que rarement.
Le RNDDH souligne à l’attention de tous et de toutes que les relations qu’entretiennent les victimes avec leurs bourreaux sont souvent complexes, ce qui doit porter les membres de la communauté à analyser les faits avec beaucoup de réserve et de minutie dans chaque cas d’agression conjugale subie par une femme.
Par ailleurs, le RNDDH prend aussi note que suite à la conférence donnée par la victime, un mandat d’amener et une interdiction de départ, ont été émis à l’encontre de Yves LEONARD, par le parquet près le tribunal de première instance de la Croix-des-Bouquets. Cependant, l’organisme de droits humains estime que le parquet n’avait pas à attendre que la mairesse ait donné la conférence du 3 octobre 2018 pour agir. Les images choquantes qui circulaient déjà sur les réseaux sociaux auraient dû interpeller les autorités et les porter à ouvrir leur enquête. Un simple appel téléphonique à la victime aurait déjà pu leur permettre de confirmer l’authenticité de ces photos.
La victime ayant affirmé que le commissaire en chef du parquet près le tribunal de première instance de la Croix-des-Bouquets, Yvon JEAN NOËL, vivait accroché aux basquets de son agresseur, le RNDDH se questionne sur l’existence et l’effectivité de l’inspection judiciaire du Ministère de la justice et de la sécurité publique. En ce sens, il n’est pas superflu de rappeler qu’en 2010, Yvon JEAN NOËL , président du Bureau électoral départemental (BED) de la Grande Rivière du Nord, a activement participé au remplissage des urnes en faveur du candidat à la députation d’alors, Occinjac BENJAMIN, dans dix-sept (17) des vingt (20) centres de votes qui étaient installés dans la circonscription de la Grande Rivière du Nord. Ayant été élu au poste de député, Occinjac BENJAMIN a récompensé son partenaire Yvon JEAN NOËL en recommandant sa nomination à titre de commissaire du gouvernement près le Tribunal de première instance de la Grande Rivière du Nord.
A titre de commissaire en chef de la juridiction susmentionnée, Yvon JEAN NOËL était impliqué dans plusieurs cas de malversation, ce qui lui a valu d’être constamment décrié par la population. Cependant, ces dénonciations se sont intensifiées lorsqu’en 2014, le citoyen Bob Andy GUILLAUME avait été giflé puis incarcéré par le magistrat. Ce dossier a défrayé la chronique. Il s’en est suivi un mouvement de protestation, caractérisé par des manifestations de rues à Grande Rivière du Nord, pour exiger que sanctions soient prises à l’encontre du magistrat. Ce dernier a été transféré au même poste, à la juridiction de Fort-Liberté. Cependant, les avocats du barreau de ladite juridiction ont contesté ce transfert et n’ont pas permis son installation. Bien souché, le magistrat Yvon JEAN NOËL a été rappelé au Ministère de la justice et de la sécurité publique et a occupé le poste de chargé de mission auprès de ce ministère. Le 24 août 2017, il a été nommé commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de la Croix-des-Bouquets.
Tous ces faits pris en considération portent le RNDDH à croire que la décision du Ministère de la justice et de la sécurité publique de mettre en disponibilité le magistrat Yvon JEAN NOËL est tardive.
Aujourd’hui, des rumeurs de plus en plus persistantes font état de la fuite de Yves LEONARD en République dominicaine. Si cette rumeur s’avère, elle aura été la conséquence du laxisme des autorités du parquet de la Croix-des-Bouquets, doublé de la complicité des protecteurs étatiques de Yves LEONARD, qui jouit d’un statut privilégié. En effet, point n’est besoin de rappeler que ce dernier est au cœur des événements ayant conduit à la démolition de sept (7) maisons à Pèlerin 5, jugées trop proches de la résidence du président de la République, Jovenel MOÏSE .
Le RNDDH rappelle qu’Haïti a ratifié la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la Femme (Convention de Belem do para) et la Convention onusienne relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des Femmes. Ces deux (2) instruments exigent que toutes les mesures doivent être prises pour prévenir mais surtout pour réprimer les violences sexo-spécifiques.
Les actes reprochés à Yves LEONARD, savoir voies de fait et tentative d’assassinat avec commencement d’exécution, sont punis par le code pénal haïtien actuellement en vigueur.
Conséquemment, le RNDDH, tout en présentant encore une fois ses sympathies à la victime, invite les autorités policières et judiciaires à rechercher activement Yves LEONARD et à le traduire par devant la juridiction de répression.
De plus, les graves déclarations faites par la mairesse, notamment en ce qui concerne la proximité du magistrat Yvon JEAN NOËL avec Yves LEONARD, doivent être analysées à la loupe. Et, si elles s’avèrent, des sanctions sévères doivent être prises par le Ministère de la justice et de la sécurité publique à l’encontre de ce magistrat.
Port-au-Prince, le 4 octobre 2018