Ce dimanche 12 janvier marquera les dix ans du passage du tremblement de terre qui a causé la mort de plusieurs milliers d’Haïtiens et étrangers dans le département de l’Ouest, des dégâts matériels inestimables mais qui a surtout laissé des séquelles qui font revivre quotidiennement les mauvais souvenirs de ce drame. Dix ans après ce séisme dévastateur, des familles vivent encore dans une vingtaine de camps de fortune dans des conditions infrahumaines, dépourvues des services sociaux de base en dépit des promesses d’espoir au lendemain de cette catastrophe.
Les programmes mis en œuvre dont le fameux projet 16/6, un projet pilote rappelons-le, financé en septembre 2011 par le Fonds de reconstruction d’Haïti et le Gouvernement canadien en vue d’améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers durement affectés par le tremblement de terre, qui devrait permettre la mise en place de services sociaux de base dans ces quartiers n’ont donné aucun résultat. Les familles des quartiers en question dont Bel-Air, Fort National plus vulnérables que jamais vivent dans la misère la plus abjecte.
En 10 ans, rien n’a été fait en termes de sensibilisation au niveau des écoles, aucun programme sur les normes de construction, sur la gestion de l’environnement n’est diffusé dans les medias pour contraindre les citoyens à agir de manière responsable. Et les citoyens et les autorités qui sont censées assurer le bien-être, la sécurité de la communauté, agissent comme si le pays n’était plus exposé aux risques sismiques, aux catastrophes naturelles. Les grandes constructions de ces 10 dernières années qui, en général ne respectent aucune norme, appartiennent pour la plupart à des anciens et nouveaux dirigeants. Ceux-là même qui devaient servir de modèle et de guide aux citoyens.
L’Etat Haïtien n’a aucun contrôle de la qualité des matériaux qui sont pour la plupart des produits importés utilisés dans les constructions de nos résidences et nos édifices publics. Les rares constructions après le tremblement de terre qui sont faites selon les normes dépendent du niveau de conscience et des moyens économiques de ceux ou celles qui engagent les chantiers. « Mezi lajanw, mezi wangaw ».
L’Etat dans son laxisme pendant la dernière décennie a laissé faire les citoyens, surtout les familles des quartiers défavorisés qui ont été sévèrement touchées par le séisme du 12 janvier 2010. Ainsi, ont été créés de nouveaux bidonvilles dont le monstrueux CANAAN qui abritent des hommes armés qui sèment le deuil sur la Nle numéro 1. Nos dirigeants qui font toujours montre de manque de vision n’ont pas vu arriver ce monstre malgré les avertissements répétés des citoyens avisés.
Nous avons bouclé une décennie de malheurs, de grandes catastrophes naturelles sans l’émergence de génies, de leaders en tout cas sur le plan politique, capables de transformer les conséquences de nos mauvais comportements en opportunité.
Pendant 10 ans, ni la 49e législature ni la 50e législature n’a songé à doter le pays d’un code de construction, les gouvernements qui se sont succédé n’ont élaboré aucune politique de logements susceptible de prendre en compte les normes et le financement de construction et la topographie des terrains. En 2012, le ministère des travaux publics, transport et communication a publié un petit manuel très limité qui met l’accent uniquement sur l’aspect technique de la construction des bâtiments. Et depuis, c’est l’unique document dont dispose Haïti en matière de construction.
Aujourd’hui, toutes les personnes, experts ou pas qui interviennent sur la situation d’Haïti par rapport aux catastrophes naturelles sont unanimes à dire que le pays est encore plus vulnérable face aux aléas naturels notamment les tremblements de terre. Pendant 10 bonnes années nous avons fait peu de cas du message de l’ingénieur-géologue Claude Prepetit : « Se pare poun pare », nous n’avons rien fait pour éviter des pertes humaines et des dégâts matériels importants lors de la prochaine catastrophe.
Espérons que l’unique beau projet, celui de la reconstruction du Palais National que le Président Jovenel Moise présente à la nation ce 12 janvier 2020 après une décennie de beaux discours, de sommets et de fora sur la reconstruction d’Haïti, sans aucun bilan, sans la reconstruction des bâtiments publics dont l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti, sans aucune réalisation de projets de logements sociaux décents pour retirer de nombreuses familles dans la crasse, pourra nous faire prendre conscience de la nécessité de poser les bases au cours de cette nouvelle décennie pour un nouveau pays avec de vrais citoyens et citoyennes.
MRP