Les contrastes eu égard aux lois pénales haïtiennes et étrangères !
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Par Magistrat Paul PIERRE
Paris, le 04 décembre 2020
Nombreux sont ceux, des profanes mais aussi des professionnels du droit, qui ne se retrouvent pas ou qui se perdent de bonne foi quand il s’agit de distinguer un homicide d’un parricide, d’un infanticide ou d’un génocide. Mais la problématique pourrait devenir encore plus corsée lorsqu’il convient de distinguer ces variétés de meurtre d’un féminicide. Etant plus récente, cette dernière spécificité de meurtre demeure encore mal voire peu connue dans la pratique du droit en Haïti.
Toutes ces notions (homicide, parricide, infanticide, féminicide…) connues sous un même nom générique « meurtre », a pourtant chacune ses particularités propres, soit en raison du temps du passage à l’acte, soit en raison du sexe de la victime, soit en raison de son âge, soit en raison de son lien familial avec le meurtrier, soit enfin en raison du mobile du crime.
C’est donc dans le souci d’éviter toute ambiguïté ou confusion fréquemment constatée dans l’utilisation de ces termes, surtout pour les jeunes juristes, les étudiants et ceux qui préparent des concours d’entrée dans la fonction publique ou des Universités et Grandes Ecoles, que nous avons décidé de proposer une illustration à la fois pratique, méthodique et didactique de ces notions.
Toutefois, des professionnels du droit, de la médecine, de la sociologie ou tous ceux qui travaillent sur des thématiques similaires notamment les féministes, les organisations œuvrant dans le domaine des droits de l’Homme, les journalistes et tous ceux que le sujet intéressent pourront en profiter.
Pour ce faire, notre démarche va consister à l’analyse successive des notions ci-dessus énumérées. Donc, nous étudions d’abord l’homicide (Chap. I), ensuite le parricide (Chap. II), puis l’infanticide (Chap. III) et enfin le féminicide (Chap. IV). Mais au fil de ce développement, nous fournirons également des explications claires sur d’autres notions proches telles que le génocide, le matricide, le filicide, le néonaticide, etc…
CHAPITRE I
L’HOMICIDE
Selon le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu, l’homicide est le fait de donner la mort à un être humain, soit volontairement ou même avec préméditation, soit involontairement ou encore de façon casuelle.
Le Code pénal haïtien prévoit et punit deux catégories d’homicide : l’homicide volontaire (I) et l’homicide involontaire (II).
- L’homicide volontaire
Cette infraction est prévue et sanctionnée aux articles 240 à 249 du Code pénal en vigueur.
Selon les dispositions de l’article 240 du Code pénal :
« L’homicide commis volontairement est qualifié meurtre. »
De cette brève définition, plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’un homicide soit qualifié de « meurtre ». Ce qui nous amènera à analyser, outre l’élément légal (art. 240 CP), les deux autres éléments constitutifs de l’infraction, à savoir : l’élément matériel (A) et l’élément moral (B).
- L’élément matériel du meurtre
Pour qu’il y ait meurtre, il faut la mort d’une personne. Il doit s’agir d’une personne physique (un humain). Ce qui exclut les personnes morales du champ d’application de l’article 240 du Code pénal.
Bien que le législateur haïtien de 1835, ce qui est regrettable, dans la définition sommaire qu’il délivre du meurtre, laisse subsister un doute qui obligerait un juriste à se référer à la définition de « l’homicide » lui-même pour éviter tout amalgame.
Le législateur français, par exemple, est plus habile lorsqu’il a décidé à l’article 221 du Code pénal :
« Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle (art. 221 CP). »
Le simple mot « autrui » ajouté au texte français a donc toute son importance puisqu’il fait la différence entre personne physique et personne morale.
Heureusement, le Nouveau code pénal haïtien, même s’il n’est pas encore entré en vigueur et est déjà contesté par une grande majorité de la population, y compris les professionnels du droit, a le mérite d’avoir corrigé cette anomalie en décidant désormais à l’article 245 :
« Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est passible de dix (10) ans à vingt (20) ans de réclusion criminelle. »
Le meurtre étant donc une infraction matérielle (par opposition aux infractions formelles), il faut, en principe, la présence d’un cadavre (le résultat) pour pouvoir parler de meurtre.
C’est la raison pour laquelle plusieurs autres qualifications telles que coups et blessures ayant entrainé la mort sans intention de la donner (art. 254 CP) ou encore tentative de meurtre (art. 2 CP) peuvent être retenues lorsque le décès de la victime n’a pas été constaté immédiatement après l’agression.
Cependant, il existe des situations où le cadavre de la victime peut ne pas être retrouvé (disparition à la suite d’une noyade, corps non retrouvé, en cas d’incendie corps entièrement calciné).
- L’élément moral du meurtre
L’élément moral de l’homicide volontaire découle de l’intention de l’auteur de vouloir donner la mort à sa victime. C’est-à-dire qu’il a voulu l’homicide. Et c’est cette intention criminelle, cette volonté de tuer la victime, quand elle se matérialise qui permettra de qualifier l’acte « meurtre ». Donc, dans le cadre d’un meurtre, l’intention meurtrière est requise.
On utilise souvent l’expression « l’animus necandi » pour qualifier la volonté d’obtenir la mort d’autrui. C’est donc l’élément moral constitutif du meurtre.
Dans son Vocabulaire Juridique, le doyen Cornu relève que l’expression latine d’« animus necandi » (respectivement « âme ou esprit et mort ») désigne très littéralement l’intention homicide : la volonté de tuer.
Quoique tous les crimes et délits soient intentionnels en ce que l’acte qui les constitue est exécuté consciemment par son auteur qui sait qu’il viole la loi au moment où il agit (ce que la plupart des auteurs appellent « dol général »), seuls les crimes qualifiés par le Code pénal d’ « atteintes volontaires à la vie » sont concernées par l’animus necandi (on parle alors de « dol spécial », puisque le meurtrier recherche un résultat particulier, la mort).
Selon la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation haïtienne :
« Il n’y a point de meurtre qui ne soit volontaire puisque ce crime n’est autre chose que l’homicide commis volontairement. Dès lors, le président de la Cour criminelle n’a point à poser au jury la question de savoir si le meurtre a été commis volontairement.
La preuve de la volonté de tuer c’est-à-dire l’intention criminelle est la plupart du temps recherchée dans l’étude de l’acte matériel de l’infraction.
Aussi la chambre criminelle de la Cour de cassation française a-t-elle retenu la volonté de tuer la victime dans les cas suivants :
- L’acte portant atteinte aux fonctions vitales de la personne.
- Le nombre des coups ou la violence des coups portés à la victime
- Le fait de cibler la victime de balles
- Mais le fait, pour le mari, de heurter plusieurs fois la tête de son épouse sur une surface dure reste insuffisant pour caractériser une intention homicide.
Il faut aussi préciser, d’une part, que cette volonté est consubstantielle à l’infraction. A défaut, si cette intention homicide n’est pas prouvée, il ne pourra s’agir que de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
D’autre part, l’« animus necandi » doit être relevé au moment de la commission de l’acte. A contrario, on parlera de meurtre aggravé, assassinat (s’il est antérieur à l’acte).
La jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de la cassation française se révèle parfois surprenante sur la question de la volonté de tuer.
L’arrêt Perdereau du 16 janvier 1986 est l’une des décisions qui demeure, en l’espèce, à la fois célèbre et surprenante dans les annales des jurisprudences criminelles de la Cour.
En effet, au cours d’une rixe, M. X. a assommé M. Y. à coups de barre de fer. Ayant appris le lendemain que M.Y. semblait encore vivant, M. Z. est venu l’achever en lui portant des coups de bouteille sur le crâne, puis en l’étranglant. Or l’expertise allait démontrer que seules les violences exercées par M. X. ont entraîné la mort de la victime. M. Z. a donc voulu tuer ce qui n’était plus qu’un cadavre.
La Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Paris renvoya devant les assises :
- X. du chef de meurtre et M. Z. du chef de tentative d’homicide volontaire. Ce dernier s’est pourvu en cassation prétextant le fait qu’il ne pouvait avoir tenté de tuer quelqu’un qui était déjà mort (se basant notamment sur le rapport d’autopsie).
La Cour de cassation devait donc répondre à la question de savoir s’il s’agissait d’une tentative de meurtre (peut-on tenter de tuer un cadavre ; une question qui relèverait normalement du domaine des infractions impossibles ?) ou d’une atteinte à l’intégrité d’un cadavre (puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende par l’article 225-17 al.1 CP).
La Chambre criminelle répond à l’affirmative à la première question en rejetant l’argumentation contraire du pourvoyant :
« Il n’importe pour que soit caractérisée la tentative d’homicide volontaire, que la victime fût déjà décédée, cette circonstance étant indépendante de la volonté de l’auteur et lesdites violences caractérisant un commencement d’exécution au sens de l’article 2 du Code pénal », dit la Cour.
En effet, selon la jurisprudence, l’impossibilité d’atteindre le résultat envisagé n’empêche pas la répression de la tentative dès lors que les faits reprochés constituent un commencement d’exécution–.
Avant de clore cette rubrique, il est nécessaire de préciser que l’article 241 du Code pénal haïtien qualifie d’assassinat, le meurtre commis avec préméditation ou guet-apens. Il s’agit ici de deux cas d’aggravation du crime de meurtre. On y reviendra prochainement. Car, cela ne fait pas l’objet de cette étude.
Toutefois, précisons aussi que le droit positif haïtien punit l’assassinat (art 247 CP) et le meurtre (art. 249, 2ème al. CP) de la même peine (Travaux forcés à perpétuité).
Ce qui semble, malheureusement, dénuer la différence entre le meurtre et l’assassinat de tout son intérêt dans la pratique judiciaire haïtien.
Or la distinction entre ces deux catégories de crime est d’une importance capitale tant du point de vue de l’accomplissement de l’infraction que de celui de la répression (peine encourue).
L’article 247 du Code pénal dispose, en l’espèce :
« Tout coupable d’assassinat, de parricide, d’infanticide ou d’empoisonnement sera puni de travaux forcés à perpétuité ».
Et l’article 249 du même Code de disposer :
« Le meurtre emportera la peine de travaux forcés à perpétuité lorsqu’il aura précédé, accompagné ou suivi d’un autre crime ou délit.
En tout cas, le coupable de meurtre sera puni de la peine des travaux forcés à perpétuité ».
C’est ce deuxième alinéa de l’article 249 (décret du 4 juillet 1988) du Code pénal qui n’aurait pas dû être formulé de façon aussi vague.
Dès lors, on ne peut pas expliquer pourquoi le législateur haïtien avait-il choisi de sanctionner le meurtre simple et le meurtre aggravé de la même peine. S’agissait-il d’une erreur d’appréciation ou tout simplement d’une mauvaise appréhension des deux notions ?
Cependant, on peut regretter que la chambre criminelle de la Cour de cassation ne soit pas souvent sollicitée afin qu’elle se prononce régulièrement sur cette absurdité lorsqu’on considère le nombre de personnes condamnées pour meurtre.
En tout cas, au cours de nos longues années d’expériences dans la magistrature, nous n’avons malheureusement découvert aucune jurisprudence de la Cour régulatrice sur cette problématique qui a pourtant une importance majeure dans la pratique du droit pénal.
Le sujet ne semble pas non plus d’actualité dans le milieu judiciaire haïtien. Ce qui nous conduit souvent à nous interroger sur la désinvolture de la défense en la matière. Cela pourrait peut-être s’expliquer par le fait que la majorité des meurtriers sont des démunis qui ne peuvent s’offrir une défense à la hauteur des enjeux du procès pénal.
Comment un accusé poursuivi du chef de meurtre simple peut-elle s’acquiescer aisément à la condamnation du Tribunal criminel lorsque la peine prononcée est celle du chef d’assassinat (meurtre aggravé) ?
Une fois de plus, il convient de féliciter le législateur du projet du Nouveau code pénal d’avoir réparé cette injustice en ayant pris le soin de faire cette différence en punissant désormais le meurtre simple de 10 ans à 20 ans de réclusion criminelle (art. 245 NCP) et le meurtre aggravé (assassinat) de perpétuité (art. 247 al. 1 NCP).
II- L’homicide involontaire
Selon les dispositions de l’article 264 du Code pénal haïtien :
« Quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements aura commis involontairement un homicide, ou en aura involontairement été la cause, sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de trente-deux gourdes à quatre-vingt-seize gourdes. »
L’homicide involontaire est donc l’acte par lequel une personne donne la mort à une autre personne sans avoir eu l’intention de la donner. L’homicide involontaire est, contrairement à l’homicide volontaire (art. 240 CP), une infraction commise sans l’avoir voulue, « par maladresse, imprudence, inattention, négligence … », dit le texte.
Il faut dire, en exègue, que les accidents de circulation sont les lieux de prédilection de cette catégorie d’infractions.
Le Code pénal français le prévoit à l’article 221-6 qui dispose :
« Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 221-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende ».
Ce texte a sans doute été repris par le législateur haïtien dans le Nouveau code pénal contesté qui énonce désormais à l’article 253 :
« Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 29, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire passible d’un emprisonnement d’un (1) mois à deux (2) ans et d’une amende de 50 000 gourdes à 75 000 gourdes.
En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, l’emprisonnement est d’un (1) an à trois (3) ans et l’amende de 75 000 gourdes à 150 000 gourdes ».
Tout comme l’homicide volontaire, en plus de l’élément légal (art. 264 CP), un l’élément matériel (A) et un l’élément moral (B) sont nécessaires pour la constitution de l’homicide involontaire.
- L’élément matériel de l’homicide involontaire
Tout d’abord, l’élément matériel de ce délit suppose un résultat, la mort de la victime (1) et ensuite, un comportement fautif qui peut être une maladresse, une imprudence, une négligence… (2).
- Le résultat : La mort de la victime
A l’instar du meurtre, l’homicide involontaire est aussi une infraction matérielle.
Cela suppose que soit caractérisée la mort de la victime. La faute qui est sanctionnée ici, c’est le fait d’avoir comme conséquence le décès de la victime.
Dès lors, il résulte que si le comportement répressible n’a pas entrainé la mort de la victime, le délit n’est pas constitué.
C’est le cas, par exemple, d’un cycliste qui a brulé un feu rouge et a renversé un piéton lui occasionnant des blessures. Il peut être poursuivi seulement pour blessures involontaires.
2) Le comportement fautif
A bien comprendre l’esprit de l’article 264 du Code pénal en vigueur, le législateur laisse à la libre appréciation des juges du fond de déterminer les comportements répréhensibles en cette matière.
Le texte ne donne aucune précision quant au comportement tombant dans son champ d’application, mais vise diverses situations telles que la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence, ou l’inobservation des règlements.
Les comportements fautifs peuvent donc recouvrir à la fois des actes de commission (un policier, par exemple, oubliant si son pistolet était chargé, a appuyé sur la détente et a tué une personne ou encore un automobiliste en excès de vitesse a tué un piéton) mais aussi des actes d’abstention (un père ou une mère qui avait omis d’attacher son enfant et que celui-ci a été projeté au cours d’un accident ; un conducteur qui n’a pas verrouillé la portière arrière de sa voiture entrainant la chute mortelle d’un enfant ; le chef d’entreprise qui omet d’appliquer les normes d’hygiène et de sécurité entrainant la mort d’un employé, etc.).
Toutefois, il convient de rappeler pour qu’une responsabilité se trouve engagée pour homicide involontaire, il faut que soit établi un lien de causalité entre le comportement fautif et la mort de la victime.
- L’élément moral de l’homicide involontaire
L’élément moral de cette infraction relève des infractions non intentionnelles. Elles sont involontaires parce que le résultat (la mort de la victime) n’a pas été voulu par l’auteur. Ici l’« animus necandi » (la volonté de tuer) fait défaut. Cela les distingue donc des infractions intentionnelles que sont le meurtre (art. 240) ou les violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner (art. 254, al. 3 CP).
Cependant, s’il est vrai que le résultat (la mort dans le cadre de l’homicide involontaire) n’a pas été voulu par l’auteur, cela ne dépouille pas les infractions non intentionnelles de leur élément moral.
En effet, la volonté doit être recherchée non pas dans le résultat de l’infraction (comme c’est le cas pour le meurtre) mais dans le comportement de son auteur.
Dans l’exemple précédent, l’automobiliste qui roulait trop vite le fait en connaissance de cause même s’il n’a pas voulu attenter à la vie des piétons.
C’est une matière qui associe de façon intime l’élément matériel et l’élément moral. En réalité, l’élément moral tend à se confondre avec le comportement.
Par ailleurs, on remarque que le texte français, une fois de plus, étant plus complet que le nôtre, punit comme homicide involontaire la mort causée à autrui du fait d’un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement.
Ce texte a aussi le mérite d’avoir prévu des cas d’aggravation de l’homicide involontaire en disposant :
« En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende ».
C’est le cas, par exemple, d’un automobiliste (sous l’influence de stupéfiant ou d’alcool) en excès de vitesse qui a brulé un stop et a tué un passant.
La distinction entre les deux catégories d’homicide (volontaire et involontaire) a une très grande importance tant au niveau de la juridiction compétente en la matière qu’au niveau de la répression.
Alors que, comme il est déjà exposé dans la partie précédente, l’homicide volontaire (meurtre ou assassinat) est un crime relevant de la compétence du Tribunal criminel avec assistance de jury (Cour d’assise en France) et est passible d’une peine de travaux forcés à perpétuité (arts. 240, 241, 242, 247 et 249 CP), l’homicide involontaire est un délit qui relève du ressort du Tribunal correctionnel et est passible d’une peine d’emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de trente-deux gourdes à quatre-vingt-seize gourdes (art. 264 CP).
CHAPITRE II
LE PARRICIDE
L’article 244 du Code pénal haïtien dispose :
« Est qualifié de parricide, le meurtre des pères ou mères légitimes ou naturels, ou de tout autre ascendant légitime ou naturel ».
Et l’article 268 du même Code de disposer : « Le parricide n’est jamais excusable. »
Faisons d’abord l’historicité de ce meurtre particulier (I) avant d’étudier ensuite ses éléments constitutifs (II).
- L’historicité du parricide
L’étude de l’historicité de ce meurtre consiste, dans un premier temps, à le définir (A) et, dans un second temps, à étudier ses particularités (B).
- Définition du parricide
Etiologiquement, le mot parricide vient du latin parricidium, qui lui-même vient des mots pater, père, et caedere, tuer.
Donc, stricto sensu, le parricide est donc le fait de tuer son père.
Le doyen Gérard Cornu en livre une définition beaucoup plus large dans son vocabulaire juridique. Le Parricide désigne, en effet, l’homicide volontaire commis sur la personne d’un ascendant légitime ou naturel (quels que soient son degré de parenté et son sexe) ou sur le père ou la mère adoptifs, qui expose son auteur à une peine aggravée en raison de la personnalité de la victime
Rappelons que le terme parricide peut donc avoir trois sens différents. Il peut désigner :
- L’acte d’assassiner son père, sa mère ou un autre de ses ascendants, voire toute relation proche.
- L’acte d’assassiner une personne établie dans une relation comparable à celle d’un parent (par exemple, le dirigeant d’un pays).
Ainsi, l’assassinat lâche et honteux de notre père de l’indépendance, Jean Jacques Dessalines, au Pont-Rouge le 17 octobre 1806, est, par exemple, un parricide.
D’ailleurs, on se demande pourquoi, après plus de deux siècles, aucun procès, même symbolique, n’a jamais eu lieu en Haïti afin de condamner cette ignominie, cette abomination !
- L’auteur du crime lui-même.
Dans ce dernier cas, le terme parricide désigne le criminel lui-même (l’assassin).
Dans le langage populaire, on désigne aussi sous le terme de matricide le meurtre de sa mère. Mais dans le jargon juridique, le meurtre ou l’assassinat de sa mère est qualifié au même titre que celui de son père de parricide.
En droit positif haïtien, il est défini comme étant le meurtre commis sur « des pères ou mères légitimes ou naturels, ou de tout autre ascendant légitime ou naturel (art. 244 CP suscité) ».
En droit français, le champ d’application de cette infraction est plus étendu dans la mesure où elle englobe non seulement le meurtre commis sur des père ou mère légitime ou naturel mais aussi sur un père ou mère adoptifs voire sur un aïeul, par son enfant ou son petit-enfant.
Ce qui caractérise donc ce crime, c’est l’existence d’un lien de parenté entre le meurtrier et sa victime. Dans ce cas, l’auteur méconnaît non seulement le devoir général de respecter la vie humaine mais aussi et surtout le devoir plus spécial de respecter la vie de ses proches.
- Le parricide, un meurtre particulier
Le parricide est un crime d’une particularité rare et exceptionnelle. Comme nous venons de le voir, cette particularité se caractérise par le fait de tuer un ou plusieurs de ses parents, peu importe qu’il soit légitime, naturel ou adoptif.
Il faut rappeler que dès le début de l’humanité, le parricide était unanimement condamné par la loi naturelle. Ses traces ont été retrouvées dans certaines lois anciennes telles que les lois de Platon qui énoncent :
« Pour prévenir le parricide, il faut répandre l’opinion soutenue par des prêtres anciens, à savoir que le meurtrier sera dans une autre vie, puni par où il a péché, qu’il sera privé du jour par ceux qui l’auront reçu de lui. Dans cette vie, il sera exécuté par le bourreau et son cadavre jeté hors de la ville ».
Dans la Rome antique, le meurtre de parents proches, ascendants, frères, sœurs, ou patron était considéré comme le pire des crimes.
Selon le récit de Cicéron, le condamné était d’abord fouetté ; ensuite on enveloppait sa tête dans un sac de cuir ; et enfin il était jeté au Tibre ou à la mer.
On a découvert une loi promulguée par Pompée (en 70 av. J.-C. ou en 55-52 av. J.-C.) qui remplaça la peine de mort par le bannissement. Mais elle fut rétablie ultérieurement sous le règne d’Auguste avec une aggravation de la peine.
En effet, selon les recueils de lois de l’époque (le code Théodosien et le Digeste), on ajoutait dans le sac cousu dans lequel se trouvait le condamné à mort des serpents, des coqs et des chiens.
En France, le parricide était aussi perçu jusqu’au XXème siècle comme un crime extrêmement grave et était puni d’une peine exemplaire.
C’est l’article 299 du Code pénal Napoléonien de 1810 qui le prévoyait en disposant :
« Est qualifié parricide le meurtre des pères ou mères légitimes, naturels ou adoptifs, ou de tout autre ascendant légitime ».
Il était non seulement puni de mort mais l’exécution s’accompagnait également d’un cérémonial particulier.
Les spécificités du parricide ont été supprimées par la réforme pénale française de 1994. Le législateur de 1994 a donc préféré le terme meurtre aggravé au parricide au 2ème alinéa et 4° ter de l’article 221-4 CP.
L’article 221-4 du Code pénal français de 1994 dispose désormais :
« Le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis :
1° Sur un mineur de quinze ans ;
2° Sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les père ou mère adoptifs ;
3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;
4° Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, un gardien assermenté d’immeubles ou de groupes d’immeubles ou un agent exerçant pour le compte d’un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d’habitation en application de l’article L. 271-1 du code de la sécurité intérieure, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ;
4° bis Sur un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire, sur un agent d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou toute personne chargée d’une mission de service public, ainsi que sur un professionnel de santé, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ;
4° ter Sur le conjoint, les ascendants ou les descendants en ligne directe ou sur toute autre personne vivant habituellement au domicile des personnes mentionnées aux 4° et 4° bis, en raison des fonctions exercées par ces dernières ;
5° Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l’empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition ;
6° A raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ;
7° A raison de l’orientation sexuelle de la victime ;
8° Par plusieurs personnes agissant en bande organisée ;
9° Par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;
10° Contre une personne en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union… ».
En Haïti, le Code pénal en vigueur réprime le parricide au même titre que l’assassinat, l’infanticide et l’empoisonnement en disposant à l’article 247 :
« Tout coupable d’assassinat, de parricide, d’infanticide ou d’empoisonnement sera puni de travaux forcés à perpétuité ».
Et l’article 268 du même Code de disposer que : « Le parricide n’est jamais excusable ».
Cependant, il convient de remarquer que le législateur du projet du Nouveau code pénal haïtien a fait le même choix que celui de la France en abandonnant aussi la notion de parricide au profit de meurtre aggravé à l’article 248 NCP.
Selon l’énoncé de l’article 248 du Nouveau code pénal : « Le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis :
1º Sur une personne mineure âgée de quinze (15) ans au plus
2º Sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les père ou mère adoptifs;
3º Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;
4º Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un policier, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, un sapeur-pompier, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ;
5º Sur le conjoint, la conjointe, le concubin, la concubine, les ascendants et les descendants en ligne directe des personnes mentionnées à l’alinéa précédent ou sur toute autre personne vivant habituellement à leur domicile, en raison des fonctions exercées par ces personnes ;
6º Sur toute personne chargée d’une mission de service public, sur un professionnel de la santé dans l’exercice de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ;
7º Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l’empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition ;
8º A raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée, ou à raison de ses convictions politiques ;
9º A raison de l’orientation sexuelle de la victime ;
10º Par plusieurs personnes agissant en bande organisée ;
11º Par lapidation ou collier enflammé… ».
II- Les éléments constitutifs du parricide
Pour être constitué, le parricide nécessite, comme toutes les infractions volontaires, outre son élément légal (art. 264 CP), un élément matériel (A) et un élément moral (B).
- L’élément matériel du parricide
A l’instar de l’homicide volontaire (meurtre), le parricide nécessite un acte positif c’est-à-dire une violence commise sur un proche entrainant sa mort. C’est donc une infraction de commission.
En conséquence, l’infraction ne sera pas caractérisée par une simple omission. On parlera dans ce cas de l’omission de porter secours aux personnes en danger. C’est le cas, par exemple, d’une personne qui a laissé noyer son père ou sa mère sans avoir alerté à temps les secours.
Par ailleurs, le moyen utilisé s’avère indifférent, peu importe que l’agresseur utilise une arme à feu, un bâton, des coups de poings, etc. Sauf s’il administre à sa victime une substance mortifère ; dans ce cas, on parlera d’empoisonnement.
Cependant, cette violence doit être, contrairement au meurtre, exercé sur un proche (père, mère, ascendant légitime ou naturel…) comme le dit le texte. Donc, la qualité de la victime s’avère nécessaire pour caractériser l’infraction.
Le meurtre étant une infraction matérielle comme nous l’avons déjà vu, seul le résultat (le cadavre d’un proche de l’auteur, en l’espèce) permet de caractériser l’élément matériel du parricide.
- L’élément moral du parricide
Il faut prouver l’intention criminelle de l’auteur de l’agression pour que l’infraction soit caractérisée. Dans ce cas, il faut prouver que l’agresseur avait voulu donner la mort à sa victime. La mort doit nécessairement être le résultat recherché par l’auteur (voir l’élément moral de l’homicide volontaire déjà développé au premier chapitre).
Avant de fermer ce chapitre, nous nous tacherons de donner quelques explications sur la notion de génocide qui fait parfois l’objet d’un usage excessif par la plupart de personnes.
Selon l’article 6 du Statut de Rome, « le crime de génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
- a) Meurtre de membres du groupe ;
- b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
- c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
- d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
- e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ».
Dans une résolution en date du 11 décembre 1946, l’Assemblée générale des Nations-Unies a estimé que « le génocide est le refus du droit à l’existence à des groupes humains entiers, de même que l’homicide est le refus du droit à l’existence à un individu ; un tel refus bouleverse la conscience humaine, inflige de grandes pertes à l’humanité, qui se trouve ainsi privée des apports culturels ou autres de ces groupes, est contraire à la loi morale ainsi qu’à l’esprit et aux fins des Nations Unies ».
« On a vu perpétrer des crimes de génocide qui ont entièrement ou partiellement détruit des groupements raciaux, religieux, politiques ou autres. La répression du crime de génocide est une affaire d’intérêt international », poursuit l’Assemblée.
Elle affirme, en conséquence, que le génocide est un crime de droit des gens que le monde civilisé condamne, et pour lequel les auteurs principaux et leurs complices, qu’ils soient des personnes privées, des fonctionnaires ou des hommes d’Etat, doivent être punis, qu’ils agissent pour des raisons raciales, religieuses, politiques ou pour d’autres motifs et invite les Etats membres à prendre les mesures législatives nécessaires pour prévenir et réprimer ce crime.
L’assemblée avait également recommandé d’organiser la collaboration internationale des Etats en vue de prendre rapidement des mesures préventives contre le crime de génocide et d’en faciliter la répression.
CHAPITRE III
L’INFANTICIDE
Dans une définition pour le moins simpliste, l’article 245 du Code pénal haïtien en vigueur qualifie d’infanticide :
« Le meurtre d’un enfant nouveau-né ».
Selon le Lexique des termes juridique, l’infanticide est le meurtre d’un enfant nouveau-né, qui était spécialement incriminé avant la réforme du Code pénal, et qui rentre aujourd’hui dans la circonstance aggravante plus générale du meurtre commis sur un mineur de 15 ans.
Notons également qu’on désigne sous les termes de filicide, le meurtre par un père ou une mère de son propre enfant et néonaticide, l’homicide d’un enfant né depuis moins de 24 heures.
Faisons aussi l’historicité de cette infraction (I) avant d’étudier ses éléments constitutifs (II).
- L’historicité de l’infanticide
- Dans l’antiquité
En Grèce antique, la brephoctonia désignait le meurtre d’un enfant en bas âge commis soit par un de ses parents soit par son responsable légal.
Souillé par son acte, le criminel était devenu un excommunié et était forcé d’aller se purifier à l’étranger. La loi le condamnait alors à l’exil et lui interdisait d’assister aux funérailles de sa victime.
Selon certains Ecrits anciens, une vaste campagne d’infanticide était pratiquée à Sparte sur les jeunes garçons qui semblaient incapables de défendre la cité.
En droit romain, on remarque qu’il n’existait pas de termes techniques propres pour désigner l’infanticide. Toutefois, on relève du latin les termes Infanticidium et infanticida qui sont les racines étymologiques de l’infanticide en français.
A Rome, aux dires de certains auteurs, il était exceptionnel de trouver deux filles dans une même famille. Certains juristes affirment que les filles cadettes connaissaient nécessairement la disparition forcée.
Les filles non désirées étaient soit tuées, soit exposées, c’est-à-dire abandonnées dans la rue ou à la décharge publique. Elles mouraient ou étaient recueillies par des marchands d’esclaves.
On révèle que les garçons chétifs ou victimes d’une malformation ont aussi connu l’infanticide. Cependant, on admet que les garçons étaient moins exposés même s’ils pouvaient être tués lorsque la famille était trop nombreuse (les Romains privilégiaient, semble-t-il, les familles de trois enfants).
Mais on constate également que, contrairement aux pratiques romaines, les Germains, les Egyptiens et les Juifs élevaient tous leurs enfants.
Ce n’est qu’à la fin du ive siècle que le droit de vie et de mort sur ses enfants est retiré au pater familias.
D’après l’historien français Robert Etienne, « la médecine antique semble avoir fait peu de cas de la vie du nouveau-né » ;
Hippocrate avait, quant à lui, posé comme naturelle la question de savoir « quels enfants il convient d’élever ».
- L’infanticide au temps moderne
Malgré la condamnation de l’infanticide par des législations tant nationales qu’internationales, l’infraction demeure encore très élevée dans la société d’aujourd’hui.
En France, l’infanticide est très répandu et, selon plusieurs études, il est souvent causé par des mères.
Dans un article paru au journal officiel du Sénat français le 16 mai 2019, il est rapporté que la Sénatrice du parti « Les Républicains », Madame Brigitte Lherbier, avait attiré l’attention de Madame la ministre des solidarités et de la santé sur le nombre d’enfants tués chaque année en France.
Selon elle, Soixante-douze (72) enfants sont tués chaque année par leurs parents, soit un enfant tué tous les cinq jours sous les coups de ceux qui l’ont mis au monde.
« Ce nombre ne comporte même pas les meurtres non révélés de nourrissons tués à la naissance ; ni les meurtres d’enfants qui n’ont pas été découverts », a-t-elle poursuivi.
Pour sa part, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a souligné dans un rapport des liens étroits existant entre les violences conjugales et les violences commises sur des enfants. Elle a donc fait état de 363 infanticides durant les années 2012 à 2016.
Aussi, ce rapport a-t-il déploré des violences graves et répétés que plusieurs de ces victimes avaient subies avant leur mort.
Selon le journal Libération, la police a confirmé le meurtre de 103 mineurs de moins de 15 ans pour l’année 2015. Mais ces chiffres ont été sous-estimés selon des chercheurs.
L’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), a publié le mardi 12 mai 2019 un rapport annuel faisant état de quatre-vingts (80) mineurs tués en 2018 en France après des violences exercées par un de leurs parents, soit 13 de plus qu’en 2017.
Lorsqu’on y ajoute les enfants tués par une personne extérieure à la famille, ce nombre est passé à 122 victimes pour l’année 2018, fait-il remarquer.
Plusieurs études publiées ces dernières années ont démontré que les femmes sont de plus en plus impliquées dans la mort de leurs enfants. Une étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), a démontré que 70% des condamnés pour homicide sur des mineurs de moins de 15 ans sont des femmes.
Le 10 février 2020, Alain Bauer, professeur en criminologie, a déclaré sur RTL Matin (une émission de radio) que :
« Dans l’ensemble des secteurs criminels, le seul où les femmes sont majoritaires, c’est l’assassinat de leurs propres enfants. Les néonaticides, d’abord, les enfants justes nés. On les retrouve congelés, enterrés. Le refus, déni de grossesse, le Münchhausen, on rend ses enfants malades pour mieux les soigner. C’est un délire de possession, de négation, c’est très compliqué à traiter mais c’est très connu. Il y a là une caractéristique spécifique aux femmes, qui est extrêmement importante, très difficile à traiter, mais qu’on ne peut pas sous-estimer ».
On remarque également que les cas d’infanticides sont parfois spectaculaires et émouvant en France. En voici quelques-uns :
- Le 11 février 2020, Nathalie Stephan a été mise en examen pour meurtre de mineure de moins de 15 ans et placée en détention provisoire. En effet, lors de sa garde à vue, elle avait reconnu avoir prémédité le meurtre de sa fille Vanille, âgée d’un (1) an qui a été retrouvée morte dans un conteneur à vêtements le 3 décembre, jour de son anniversaire.
- Le 17 novembre 2013, trois (3) enfants de deux (2), trois (3) et cinq (5) ans ont été découverts morts à Bar-le-Duc (département du Meuse) étouffés au domicile de leur mère. Leur maman âgée de 39 ans qui aurait projeté de se suicider avait avoué le crime.
- Le 28 juillet 2010, huit (8) cadavres de nouveau-nés ont été découverts dans un garage et un jardin du village de Villers-au-Tertre (Nord). Dominique Cottrez, une aide-soignante de 48 ans, reconnaît avoir tué les huit bébés. Elle a affirmé avoir été victime d’inceste et avoir agi par crainte que les enfants ne soient victimes, à leur tour, de son propre père.
- Le 18 juin 2009, Véronique Courjault, 41 ans, est condamnée à Tours (France) à huit ans d’emprisonnement pour le meurtre de trois nouveau-nés, en 1999 en France, en 2002 et 2003 en Corée du Sud. C’est son mari Jean-Louis Courjault, seul à Séoul le 23 juillet 2006, pendant que sa famille passe ses vacances en France, qui a découvert deux cadavres de bébés dans le congélateur familial et prévient la police. Alors qu’il a rejoint sa femme et ses fils en France, les tests ADN réalisés par les autorités sud-coréennes authentifient les nouveau-nés comme étant les enfants du couple Courjault. La justice française s’est saisie de l’affaire et Véronique Courjault a avoué les faits après 2 jours de garde-à-vue.
- Le 17 octobre 2007, les corps de six (6) nouveau-nés sont découverts dans une cave de Valognes (Manche). La mère, Céline Lesage, 34 ans, avoue les avoir tués entre 2000 et 2007. Elle est condamnée en mars 2010 à 15 ans de réclusion.
- Le 22 août 2007, trois nouveau-nés morts en 2001, 2003 et 2006 sont trouvés à Albertville (Savoie) au domicile de leur mère, Virginie Labrosse, 36 ans, dans des malles et un congélateur. Elle est condamnée à cinq ans d’emprisonnement en octobre 2010.
- Le 27 janvier 2006, trois (3) cadavres de nourrissons sont trouvés enterrés dans un jardin à Contres (Loir-et-Cher). Marinette Pezin, qui a déjà quatre enfants, a noyé et enterré ces bébés qu’elle dit avoir conçus avec un mari tyrannique. Elle est condamnée en février 2011 à cinq ans de prison avec sursis.
- Le 21 octobre 2003, les cadavres de cinq (5) nouveau-nés, empaquetés dans des sacs-poubelles, sont découverts dans une forêt à Galfingue (Haut-Rhin). L’ADN révèle qu’ils sont issus de la même mère. Faute de piste, le juge clôt l’enquête par un non-lieu en février 2009.
- Le 18 mars 2003, quatre corps de bébés sont découverts à Tinténiac (Ille-et-Vilaine). Après avoir caché ses grossesses, la mère a tué ses bébés entre 1997 et 2003. Elle a été condamnée en novembre 2005 à Rennes à 15 ans de réclusion.
Il convient enfin de rappeler que l’infanticide n’est plus la dénomination d’une infraction pénale en France depuis la réforme pénale de 1994. Le meurtre ou l’assassinat d’un enfant nouveau-né est désormais considéré comme un meurtre ou assassinat d’un mineur de moins de 15 ans (art. 221-4 al.1, 3 et 4ter du code pénal). C’est donc une circonstance aggravant du meurtre.
En Haïti, il parait difficile de se faire une idée du nombre d’enfants tués par leurs parents ou même par des étrangers. Les données statistiques fiables n’existent pas réellement en la matière.
Les Commissariats de police, les hôpitaux et mêmes les organisations œuvrant dans le domaine de défense des droits humains ne sont pas en mesure de fournir le nombre exact d’enfants tués annuellement en Haïti.
Toutefois, on imagine que cette infraction est très répandue dans ce pays pour diverses raisons que l’on peut expliquer suivants deux approches.
D’une part, il semble qu’une grande quantité de ces infanticides est liées aux conditions précaires des jeunes mamans. En effet, en raison de la vulnérabilité d’une grande quantité de jeunes filles haïtiennes, elles sont souvent sujettes de viol conduisant à des grossesses précoces, dès l’âge de 12 ans dans la plupart de situation. N’ayant pas les moyens financiers pour se faire avorter, elles ont eu recours à l’infanticide en jetant leurs nouveau-nés dans des puits perdus, des égouts ou en les abandonnant tout bonnement dans des toilettes, sur des trottoirs, dans des maisons délabrées et abandonnées, etc.
D’autre part, l’interdiction de l’avortement par le Code pénal haïtien semble aussi favoriser l’infanticide. L’article 262 du Code pénal dispose en effet :
« Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, violence, ou par tout autre moyen, aura procuré l’avortement d’une femme enceinte, soit qu’elle y ait consenti ou non, sera puni de la réclusion.
La même peine sera prononcée contre la femme qui se sera procuré l’avortement à elle-même, ou qui aura consenti à faire usage des moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet, si l’avortement en est suivi.
Les médecins, chirurgiens et les autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens qui auront indiqué ou administré ces moyens, seront condamnés à la peine des travaux forcés à temps, dans le cas où l’avortement aurait eu lieu ».
En conséquence, il devient difficile pour des jeunes filles et des adolescentes, tombées enceinte accidentellement et non décidées d’élever des enfants, de recourir à l’avortement même si elles sont capables de payer l’intervention.
A cela, on ajoute le manque d’encadrement, le manque d’information et le manque de formation à l’égard des adolescents et des jeunes conduisant aussi souvent à ce fléau. Sachant qu’il n’existe en Haïti aucune politique gouvernementale de prise en charges des enfants défavorisés, aucune politique publique d’aides familiales… Les enfants, une fois nés, se retrouvent sur la responsabilité exclusive de leurs parents qui n’ont pas souvent les moyens nécessaires pour subvenir à leur besoin et pourvoir à leur éducation et formation.
Combien de jeunes et d’adolescents des deux sexes qui se retrouvent abandonnés à travers les rues de la capitale ! Un simple coup d’œil dans l’air de champs-de-mars, de la place Boyer à Pétion-ville, sur les grands axes routiers de Delmas, de l’Aéroport et de Carrefour en dit long.
Du fait de la misère, ces jeunes sont donc exposés à toute sorte de violences et d’exploitations (trafic d’arme, prostitution, viol, trafic de stupéfiants, etc.). Les relations sexuelles sont souvent non protégées, soit en raison de l’ignorance, soit en raison de manque d’argent pour s’offrir des préservatifs. Il en résulte que la méthode la plus simple pour se débarrasser d’un enfant non désiré est de le tuer.
Cette description alarmante de la situation de nombreux enfants, adolescents et jeunes de Port-au-Prince est aussi, malheureusement, valable pour toutes les villes de province du pays (Cap-Haïtien, Jacmel, Cayes, Gonaïves, Jérémie, etc.).
Cependant, le phénomène d’infanticide semble être mondial. Aucune société ne s’y échappe. Il est même parfois lié à des coutumes, des traditions et autres. Dans certains pays d’Asie notamment en Chine et en Inde, il est révélateur chez les filles.
En effet, la naissance d’une fille est souvent considérée comme une honte dans ces sociétés. Et en Inde, il parait qu’elle est même considérée comme un désastre financier. Car, pour pouvoir marier une fille, ses parents doivent, selon les traditions, payer une dot qu’ils considèrent comme une fortune.
Pour toutes ces raisons, de nombreuses familles recourent à l’avortement si l’échographie désigne une fille au quatrième mois de grossesse afin de ne donner naissance qu’à des garçons.
Il existe même une publicité indienne encourageant l’avortement en ces termes : « Dépenser 5 000 roupies (79 euros) maintenant vous évitera 500 000 roupies (8 000 euros) dans 20 ans ».
Malgré les efforts des autorités indiennes faisant appliquer une loi de 1961 interdisant la pratique de la dot, l’infanticide postnatal n’a pas totalement disparu.
D’ailleurs, le quotidien « La Nation » a révélé dans un article, intitulé « Déséquilibre démographique : 30 millions de chinois sans femmes », que dans plusieurs pays d’Asie (Chine, Inde, Pakistan, Bangladesh, Afghanistan, Taiwan, Corée du Sud, etc.), les femmes commencent à diminuer considérablement au point que les hommes n’en trouvent pas assez à épouser.
En revanche, en 2016, une loi chinoise qui rentre en vigueur en 2018 interdit aux jeunes filles d’épouser un étranger et le pays essaie d’encourager la conservation des petites filles par des aides financières.
La situation n’est pas trop différente dans plusieurs tribus amazoniennes telles que les Suruuarras ou les Yanomami où l’infanticide des individus très faibles ou mal formés est considéré comme un moyen d’éviter à la communauté de porter le poids de membres vus comme très peu utiles à la vie du groupe.
Selon les traditions, l’exécution de ces enfants doit être effectuée par les parents même si plusieurs députés du gouvernement brésilien, ainsi que des membres d’organisations représentant des ethnies indiennes, voudraient la voir interdite.
- Les éléments constitutifs de l’infanticide
Voir les éléments constitutifs de l’homicide volontaire notamment le parricide déjà développés ci-dessus.
On ne saurait clore ce chapitre sans rappeler quelques instruments internationaux visant à protéger les enfants contre toutes les formes d’agressions et violences volontaires auxquelles ils s’exposent. Citons entre autres :
La Convention internationale aux droits de l’enfant (CIDE), adoptée à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies en 1989 à New-York est un véritable arsenal juridique garantissant les droits sociaux, économiques, civils, culturels et politiques des enfants.
Il est aussi intéressant de rappeler qu’il s’agit du traité relatif aux droits humains le plus largement ratifié de l’histoire avec 195 Etats signataires qui s’engagent à défendre et à garantir les droits de tous les enfants sans distinction et à répondre de ces engagements devant les Nations unies. Faut-il aussi rappeler que les Etats-Unis et la Somalie ne l’ont toujours pas ratifié.
Selon les stipulations des 54 articles de cette Convention, les enfants ont les droits suivants :
- Le droit d’avoir un nom, une nationalité, une identité
- Le droit d’être soigné, protégé des maladies, d’avoir une alimentation suffisante et équilibrée
- Le droit d’aller à l’école
- Le droit d’être protégé de la violence, de la maltraitance et de toute forme d’abus et d’exploitation
- Le droit d’être protégé contre toutes les formes de discrimination
- Le droit de ne pas faire la guerre, ni la subir
- Le droit d’avoir un refuge, d’être secouru, et d’avoir des conditions de vie décentes
- Le droit de jouer et d’avoir des loisirs
- Le droit à la liberté d’information, d’expression et de participation
- Le droit d’avoir une famille, d’être entouré et aimé
Aussi, la convention met-elle en avant quatre principes fondamentaux eu égard aux droits des enfants : la non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de vivre, survivre et se développer ainsi que le respect des opinions de l’enfant.
Il faut enfin noter les trois protocoles facultatifs qui ont été ajoutés à cette convention. Le premier vise à protéger les enfants contre le recrutement dans les conflits armés, le deuxième concerne la vente d’enfants (à des fins de travail forcé, adoption illégale, don d’organes…), la prostitution ainsi que la pornographie mettant en scène des enfants. Le troisième définit la procédure internationale qui permet à tout enfant de déposer une plainte pour violation de ses droits, directement auprès du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, lorsque tous les recours ont été épuisés au niveau national.
Depuis l’adoption de la Convention le 20 novembre 1989, la date du 20 novembre de chaque année est baptisée par Nations-Unies comme « Journée internationale des droits de l’enfant ».
C’est un temps fort que l’UNICEF ne manque jamais de célébrer chaque année à travers le monde.
En France, plusieurs activités ont été réalisées le 20 novembre dernier, malgré le contexte difficile de la pandémie du covid-19, notamment dans les écoles à l’initiative du ministère de l’éducation nationale pour marquer cette date combien importante.
Il faut préciser que c’est en 1996, sous la présidence de Jacques Chirac, que le 20 novembre est reconnu en France comme étant la « Journée mondiale de défense et de promotion des droits de l’enfant ». Cette journée est donc l’occasion de rappeler les engagements pris par les Etats du monde envers les enfants.
Plusieurs activités marquant cette date emblématique ont été aussi réalisées à l’initiative des Mairies et de nombreuses organisations ou associations dont l’UNICEF France, France terre d’asile, etc…
Enfin, il n’est pas anodin de mentionner que la protection et la garantie des droits notamment le droit à la vie de nos enfants n’ont pas non plus été négligé dans la mythologie et dans certains passages bibliques.
En effet, selon Genèse 22, pour éprouver son obéissance, Dieu ordonne à Abraham d’emmener son fils Isaac sur une montage au pays de Morija et d’apporter un couteau. Un ange arrête de justesse la main d’Abraham, lui disant de ne pas lever la main contre son fils ; un bélier servira de substitut ;
Même si dans ce cas de figure, on n’aurait pas pu parler d’infanticide du fait qu’Isaac n’était pas mineur (37 ans) et qu’il se portait lui-même volontaire. Mais cette scène biblique est souvent interprétée comme représentative de l’interdiction d’attenter à la vie de ses enfants.
D’autres passages bibliques tels Exode 12 verset 29 ou Mathieu 2 verset 16 et suivants ont aussi relaté des cas d’infanticide ou de tentative d’infanticide.
Dans la mythologie Grecque, le sacrifice d’Iphigénie, fille d’Agamemnon pour obtenir un vent favorable et apaisée Artémis pourrait également être qualifié de tentative d’infanticide puisqu’au moment du sacrifice, Artémis l’aurait, suivant certains écrits, remplacé in extremis par une biche, afin de la préserver de la folie des hommes, et en aurait fait la prêtresse de son temple en Tauride (Iliade).
Il est aussi rapporté que lorsqu’Ouranos et Gaïa avertissent Cronos qu’il sera détrôné par son propre fils, celui-ci dévore chacun de ses enfants au fur et à mesure qu’ils naissent. Toutefois, ceci ne semble pas suffire à les tuer puisqu’il les vomira vivant.
Toutefois, malgré cette évocation courante de l’infanticide (de tentative d’infanticide à proprement parler) tant dans la Bible que dans la mythologie grecque ou romaine, et même quand la conquête semble tourner à la purification ethnique, on remarque que les femmes et les enfants sont toujours épargnés.
C’est peut-être pourquoi il est écrit au Deutéronome 20 verset 13 et 14 : « Et une fois que l’Eternel, ton Dieu, l’auras livrée entre tes mains, tu en feras passer tous les hommes au fil de l’épée ;
En revanche, tu prendras pour toi les femmes et les enfants, le bétail, tout ce qui sera dans la ville, tout son butin, et tu mangeras le butin de tes ennemis que l’Éternel, ton Dieu, t’aura livrés. »
NB : Le chapitre traitant le FEMINICIDE sera publié très prochainement.
Magistrat Paul PIERRE
Est Juge d’instruction au Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince ; il est titulaire d’un Master II en Carrières Judiciaires et Contentieux à l’Université d’Evry-Val-d‘ Essonne, d’une Maîtrise en Sciences Criminelles et d’une Licence en droit à l’Université Paris1 Panthéon-Sorbonne (Paris, France).
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