L’icône de la musique haïtienne et homme politique aurait fêté ses 76 printemps ce 14 avril 2024
Joseph Emmanuel Charlemagne dit Manno Charlemagne naît le 14 avril 1948 à Carrefour, dans la périphérie sud de Port-au-Prince. Carrefour est la commune dans laquelle il grandit mais également la ville où il s’est éteint le 10 décembre 2017 à l’âge de 69 ans.
Né d’un père absent et d’une mère expatriée en Floride, il est élevé en Haïti par une tante. Durant son enfance, il chante à la chorale de l’Église catholique, mais il prend aussi plaisir à écouter la musique des cérémonies vaudou tout près de chez lui.
À 15 ans, il est arrêté et torturé par les tontons macoutes, milice au service de la dictature dirigée par Duvalier, qui terrorisait la population avec de prétendus pouvoirs magiques.
À travers ses chansons, cet artiste dépeignait les conditions de vie des couches populaires, les rapports sociaux inégalitaires, la mauvaise gouvernance et l’ingérence internationale
Sa carrière musicale a pris son envol sous la dictature de Jean Claude Duvalier, à la sortie du disque intitulé « Manno et Marco », paru en 1978 avec l’artiste Marco, ils dénoncent la misère et l’injustice dans le pays.
Après un album enregistré en 1978, Charlemagne s’exile aux Etats-Unis, puis à Montréal au Canada où il vivra longtemps. De cette période date le Mal du Pays, une de ses rares chansons en français.
En mars 1986, dans les semaines qui suivent la chute de Jean-Claude Duvalier dit Baby Doc, le dernier tyran de la dynastie Duvalier, Manno Charlemagne rentre au pays où il est acclamé. Il fonde un chœur sous forme de konbit (coopérative): « Koral Konbit Kalfou ». Son disciple le plus célèbre, le chanteur et compositeur Beethova Obas, en est issu.
Les structures démocratiques tentent de s’installer dans un environnement chaotique, où les règlements de comptes se multiplient. Manno Charlemagne sera lui-même grièvement blessé dans une fusillade lors d’un concert.
Cette situation lui inspire le titre « Ayiti pa Foré », acide chronique de l’après-Duvalier : «Si Haïti n’est pas une jungle, pourquoi y trouve-t-on tant d’animaux ?»
Et l’engagement de Manno Charlemagne ne s’arrête pas aux textes des chansons. Jean Bertrand Aristide est retourné au pays en 1994 (son premier mandat avait été écourté par un coup d’Etat militaire) et il choisit son ami Manno qui devient en 1995 maire de Port-au-Prince pour un mandat de quatre ans. Une expérience qui lui laissera un goût amer.
Echaudé, il rentre aux Etats-Unis, s’installe à Miami où il se produit sur la scène du restaurant « Le Tap Tap », épicentre de la vie culturelle de Little Haïti. Il joue également dans les universités et enregistre de nouveaux disques.
Atteint d’un cancer du poumon, et désireux de finir ses jours dans son pays, sa dernière volonté qui n’a pu se réaliser en raison de son décès dans un hôpital de Miami.
Manno Charlemagne n’est plus, mais ses chansons sont plus que jamais d’actualité.