Fabrice Mauriès, ambassadeur de France en Haïti se prononce pour la première fois sur la situation sécuritaire en Haïti.
La situation liée aux attaques des gangs est très préoccupante en Haïti. Depuis plusieurs jours, les bandes criminelles s’en prennent à des sites stratégiques dont les aéroports et les prisons.
Pour l’heure, le Premier ministre Ariel Henry est bloqué à Porto Rico, car l’ensemble des compagnies aériennes desservant Port-au-Prince ont suspendu leurs vols.
L’ambassadeur de France en Haïti, Fabrice Mauriès, lui-même bloqué en République dominicaine est dans l’attente d’un vol retour vers la capitale haïtienne.
Selon les déclarations de l’ambassadeur,“ la situation en Haïti est très grave, peut-être la plus grave depuis plusieurs années. Même si le pays a connu plusieurs pics de crise sécuritaire depuis au moins 2018-2019, nous sommes dans une situation très difficile.
Nous assistons à des attaques coordonnées de bandes armées, de gangsters, contre des institutions de l’État, contre des infrastructures critiques, notamment l’aéroport Toussaint Louverture à Port-au-Prince.
Cela a contraint un certain nombre de compagnies aériennes à annuler leurs vols. Il y a également eu la prise du pénitencier national de Port-au-Prince, qui s’est traduite par l’évasion de, peut-être, plusieurs milliers de détenus de cette enceinte.
C’est évidemment une source de préoccupation supplémentaire sur la capacité des gangs à recruter de nouveaux soldats pour mener leurs actions criminelles et délinquantes” confie Mr Mauriès à RFI.
Toujours selon le numéro 1 de l’ambassade de France en Haïti les fautes sont à évaluer sur plusieurs niveaux :“C’est une question qui a plusieurs dimensions et il serait trop long d’entrer dans l’histoire du pays depuis plusieurs décennies. Pour répondre à cette question, il faut aller à l’essentiel. L’essentiel, c’est ce grignotage de l’État par des bandes armées.
Tout simplement parce que, en Haïti, l’État est extrêmement faible. Il est extrêmement faible dans son périmètre, dans son financement, dans ses structures institutionnelles et dans ses processus institutionnels.
Cette combinaison de faiblesses s’est traduite au fil du temps par un abandon de tous les processus qui permettraient à l’État de réguler la situation sécuritaire, économique, sociale, judiciaire du pays et de faire en sorte que la règle de droit s’impose à tous.
Ce n’est plus le cas depuis bien longtemps. Malheureusement, les opportunités qui ont été données au pays de faire un sursaut pour rétablir la situation ont échoué. Cette difficulté à maîtriser la sécurité pour l’ensemble de la société n’est pas nouvelle mais, en effet, nous avons franchi un palier ces derniers jours”.
Enfin concernant le contrôle du pays le diplomate souligne que “Le gouvernement d’Ariel Henry a tenté à plusieurs reprises de reprendre la situation du pays, non seulement sur le plan sécuritaire, mais également sur les plans économique, social, judiciaire. Sur le plan sécuritaire, il a notamment fait appel à une force internationale, une mission d’appui sécuritaire à la police nationale haïtienne, qui a été baptisée « Mission d’appui sécuritaire à la Police nationale haïtienne » par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Il y a d’autres aspects à la crise : une crise fiscale, une crise institutionnelle, une crise constitutionnelle, un vide politique qui s’est créé au fil du temps et dont le gouvernement d’Ariel Henry n’est pas le seul responsable. Les racines de la crise sont antérieures et pour certaines très anciennes”.
En ce qui concerne la fermeture des services consulaires à Port-au-Prince , l’ambassadeur confirme que l’ambassade reste totalement mobilisée et envoie quotidiennement des consignes de sécurité et de prudence.
“La Communauté française, c’est 1 100 personnes aujourd’hui en Haïti. La consigne que je leur adresse, c’est de rester très prudents, de limiter leurs déplacements aux déplacements vraiment strictement essentiels et de rester à l’écoute des consignes de l’ambassade qui suit en temps réel la situation et qui est au contact de toutes les autorités sécuritaires du pays”.
A lire aussi :
Un Conseil Présidentiel pour remplacer Ariel Henry, selon Moïse Jean Charles