Pour la première fois depuis le début de la crise, fin août 2019, le président Jovenel Moïse a donné une conférence de presse depuis le jardin du Palais national où il a déclaré qu’il « serait irresponsable de ma part de démissionner. Il a appelé, une nouvelle fois, les acteurs politiques au dialogue tout en accusant les « gardiens » et « héritiers » du système et les bénéficiaires des contrats léonins d’être responsables de la crise qui secoue Haïti. Suite à la conférence, les réactions fusent déjà alors qu’un vent de panique souffle sur la capitale, Port-au-Prince.
Pour André Michel, porte-parole de l’Alternative Consensuelle pour la Refondation d’Haïti, Jovenel Moïse est un chef d’État irresponsable : « Il a parlé comme s’il n’avait aucune responsabilité dans la gestion de ce pays. Il a aussi oublié qu’il est un chef d’État rejeté par la population et que, dans une telle situation, sa parole devient inaudible. Sa parole cesse d’être crédible. C’est ce qu’il n’a toujours pas compris. Aujourd’hui, la seule parole valable en Haïti, c’est la démission de Jovenel Moise », a-t-il déclaré à notre micro, juste après la conférence de presse du président.
Le président a imputé son échec et les manifestations successives qui secouent le pays depuis plus de cinq semaines pour exiger sa démission, aux « gardiens et héritiers » du système qui ne peuvent plus bénéficier de contrats léonins. Si l’avocat, André Michel, reconnait que ce système existe et qu’il y a des gens qui en tirent avantage, il souligne toutefois que « Jovenel Moïse est un élément de ce système. Il n’a donc pas assez de crédibilité pour parler de combattre ce système. Oui, il faut casser ce système, oui, il faut construire une autre société et un autre État, mais cela passe d’abord par la démission de Jovenel Moïse », a-t-il insisté.
De plus, André Michel croit que « le président n’a pas l’autorité morale pour attaquer les gardiens du système :Jovenel Moise n’est pas cohérent dans la mesure où ce sont les gardiens de ce système qui ont financé sa campagne. »
Quant au nouvel appel du président à dialoguer avec tous les acteurs politiques, le porte-parole de l’Alternative Consensuelle pour la Refondation d’Haïti le rejette d’un revers de main :
« Un Chef d’État accusé de corruption, inculpé dans des dossiers au Cabinet d’instruction comme celui du blanchiment des avoirs, initié par l’UCREF et impliqué dans le dossier PetroCaribe ; un Chef d’État de ce genre n’a pas l’autorité morale pour inviter les acteurs politiques à un dialogue. Personne ne va s’asseoir avec lui. Pour nous de l’Alternative ce discours n’a aucune importance et sa parole ne vaut absolument rien et, à ce stade des débats, nous avons déjà mis le cap sur la journée de mobilisation du 17 octobre 2019 », a-t-il conclu.
Suite à la conférence de presse du président, des mouvements de tension étaient signalés à plusieurs endroits de la capitale et un vent de panique soufflait sur la ville. Selon Le Nouvelliste, au niveau de carrefour de l’aéroport, de Delmas 32 entre autres, des barricades de pneus enflammés ont été remarqués. Les véhicules sont attaqués par des jets de pierre. Au centre-ville, des entrepreneurs ont fermé précipitamment les portes de leurs entreprises. Des détaillants s’empressaient de rentrer chez eux.
Nancy Roc