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Politique

La difficile réélection des parlementaires sortants

A partir du deuxième lundi de septembre, les députés vont rentrer en vacances. Considérant que les élections ne vont pas respecter le calendrier ordinaire, les vacances seront plus longues que prévues. Ainsi, il adviendra que cette législature touche à sa fin, pendant que la rentrée de la 51e législature malheureusement ne sera pas pour demain. Mais tout cela n’est pas sans conséquences, car mise à part la caducité du Parlement à partir du deuxième lundi de Janvier 2020 – qui sera la plus évidente – un autre aspect important concerne le poids de ces élections qui n’auront pas lieu suivant le calendrier, sur la réélection des parlementaires sortants. Tel est là, le souci de ce texte qui tentera, d’une part, de démontrer pourquoi, de façon générale, les élus sortants ont toujours une longueur d’avance sur leurs compétiteurs dans une compétition électorale, alors qu’en Haiti, la tendance est plutôt différente, au sens que les parlementaires sortants sont toujours réélus à un faible pourcentage. Mais de façon plus spécifique, pourquoi la pente chutera de façon plus considérable dans la 50e législature ?

Temps mort électoral et l’avenir politique des parlementaires

Si de façon générale, un parlementaire en fonction a plus de chance d’être réélus à son poste que ses compétiteurs de le remplacer, des fois, cela n’est pas tout à fait le cas dépendamment du contexte dans lequel les scrutins ont eu lieu. Au-delà des contextes contextes politiques bien particuliers où une population peut décider d’affronter tout un système à travers ses représentants pour instaurer un ordre politique nouveau, d’autres éléments peuvent jouer en défaveur des élus sortants, surtout dans le contexte haïtien à travers un phénomène que nous avons plus ou moins étudié dans les législatures passées.

Bien avant de voir l’impact de la caducité du Parlement en janvier prochain, allons voir d’abord pourquoi généralement la reconduction d’un parlementaire comporte une forte probabilité.

La première explication consiste au fait qu’une fois l’élu rentre en fonction, il est automatiquement en campagne. Toute action posée et décision prise deviennent stratégique. Elles sont implémentées de manière à garantir sa longévité politique, sa notoriété et son assise électorale. Financements publics, réalisions, accompagnements aux citoyens (subventions scolaires, funérailles etc.), réseaux tissés… tout est orienté de sorte à garantir sa réélection. Et contrairement à ses adversaires, tout se fait aux frais de la République. Alors que ses compétiteurs, s’ils ne sont pas à un autre niveau du pouvoir, ou disposant par leurs activités, de moyens financiers adéquats, n’auront que le discours. Or, de nos jours, les campagnes électorales – surtout pour les pays à grand besoins comme Haïti, se nourrissent de moins en moins de discours et de promesses. Le/la candidat.e qui n’est pas capable de répondre aux besoins pressants de la population, sera ipso facto relégué au club des 0%.

Ce qu’il est important, toutefois, de faire remarquer, c’est que ces types d’avantages ne sont pas typiquement haïtiens. C’est un phénomène politique beaucoup plus global dont, bien entendu, les mécanismes se diffèrent d’un pays à un autre. Sans vraiment rentrer dans les détails, disons seulement – pour reprendre une enquête de l’Union Inter Parlementaire (UIP) – que les parlementaires en fonction dans le monde ont 51% de chance d’être réélus.

Un chiffre qui justifie le phénomène de carriéristes parlementaires. Dans certains pays, les gens rentrent tout jeune au Parlement et ressortent quelques fois avec leur canne en main, ou tout simplement parce que la mort a eu raison d’eux. C’est hyper courant aux États-Unis, où fort souvent on ne voit qu’un Congrès sénile avec des commissions dirigées depuis 10, 20 ans par les mêmes personnes.

Réélection de plus en plus faible en Haïti

Comparativement aux résultats de l’enquête de l’UIP, les chiffres sont considérablement moins inquiétants pour Haïti. Par exemple, seulement 17% environ des députés de la 49e législature ont été réélus à la 50e ; alors que le taux était de 26% pour la 48e. Ce qui fait qu’entre la 48e et la 49e, le taux de reconduction a diminué de 9% au lieu d’augmenter.

Parmi les multiples raisons qui peuvent justifier cette faible réélection, contrairement à la tendance mondiale, c’est le fait que contrairement à d’autres pays où le calendrier électoral est automatiquement respecté, en Haïti, il y a toujours des raisons qui vont justifier la non tenue des scrutins. Quand ce n’est pas que le Conseil électoral n’a pas de mandat, ou qu’on attend l’International pour le budget, c’est le contexte politique qui fait que l’éventuelle tenue d’une élection est vue comme une victoire de l’exécutif. Ce sont, entre autres, parmi les raisons qui expliquent que les élections, au lieu d’être tenues de façon régulière, se tiennent parfois. Les habitués savent que le grand secret consiste à attendre. Attendre car l’échéance la plus importante est la présidentielle. Mais dans ce coup de carte, il y a aussi des victimes. Quand les élections ne se tiennent pas à temps, il y a un secteur qui va payer les pots cassés. Ce sont en général les élus sortants.

Certains diraient qu’à quelque chose malheur est bon. Car plus se retardent les élections, plus se réduisent les chances de réélection de ces élus dont, en général, leur réélection est liée à leurs fonction et atouts. A partir du moment où ils ne sont ni députés, ni sénateurs, ils sont automatiquement dépouillés de tous les avantages qui en découlent.

Le temps, un ennemi astucieux

Maintenant plus le temps passe, moins on fait allégeance à ces élus. Plus aussi, ils perdent d’alliés stratégiques, sans compter le fait que leurs ressources financières se tarissent. Et c’est à ce moment-là que leurs compétiteurs ou adversaires vont profiter de la situation.

D’un point de vue démocratique, ce n’est certainement pas une bonne chose, mais les oppositions qui, en général, disposent de très peu de moyens dans un système où il y a peu de contrôle sur le financement de l’activité politique, cela rend dans une certaine mesure le terrain politique plus propice à une compétition électorale équitable.

Impopularité : le grand fardeau de la 50e législature

Ajoutée à la caducité du Parlement qui aura de lourdes conséquences sur la reconduction des parlementaires sortants, on pourrait tout aussi se demander si cette législature n’est pas la plus décriée de l’histoire récente au Parlement haïtien. Si l’on compte depuis les années 2000, après les partis politiques, le corps législatif jouit du plus faible niveau de confiance auprès de la population, pour reprendre une enquête de Americas Barometer qui a obtenu une moyenne de 41.6 sur une échelle de 0 à 100 pour l’année 2014. Or, cette législature est encore plus décriée que les précédentes, compte tenu des scandales qui jusqu’ici l’ont couvert, dont les réseaux sociaux ont dévoilé au grand jour. Tout cela la rend impopulaire et contribue davantage à réduire les chances de réélection de ceux et celles-là qui la composent. Cette législature au bilan combien insignifiant, porteuse de majorités vues de loin comme alliées du pouvoir en place, mais qui au fond ne se regroupent que pour paralyser l’exécutif, cela nous expose une réalité cynique où la présidence est entre l’enclume de ses majorités sournoises et le marteau des minorités oppositionnelles qui n’attendent que des faux pas pour frapper. En somme, il est à espérer – si ce n’est par l’injonction de forts moyens financiers – à une très faible reconduction des parlementaires de la 50e.

Roudy Stanley Penn
Consultant politique
Directeur Général PoliticoTech

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