» La politique étrangère de Donal Trump en débat à l’académie diplomatique Jean Price Mars du Ministère haitien des Affaires Étrangères et des Cultes »
Quand la Politique étrangère de Trump donne écho aux concepts néoréalistes en Relations internationales : Thème d’une Conférence présentée par le Prof. James Boyard, à l’Académie diplomatique Jean Price Mars du Ministère des Affaires Etrangères, ce vendredi 9 octobre.
Au moment où le candidat Trump est au plus bas dans les sondages et risque de perdre l’opportunité de sa réélection à la tête de la Maison blanche, le Professeur James Boyard, invité par l’Académie diplomatique Jean Price Mars du Ministère des Affaires Etrangères, ce vendredi 9 octobre, a animé à l’intention de la nouvelle promotion de « fonctionnaire-étudiants » en Master II en Diplomatie, une conférence sur le bien-fondé de la Politique Etrangère de Donald Trump.
Même si le Président Trump est aujourd’hui très critiqué dans l’opinion publique américaine et internationale à cause, entre autres, de sa gestion calamiteuse de la crise du COVID-19 et de sa personnalité controversée, le Professeur Boyard a tenu d’entrée de jeu à préciser devant l’auditoire, que « n’en déplaise au discours dominant, la Politique étrangère de Trump ne vise pas à compromettre la paix et la sécurité internationales, mais plutôt à maintenir la stabilité du système international ».
Pour assoir son hypothèse, ce spécialiste des Relations internationales s’est empressé d’inviter les auditeurs de l’Académie Jean Price Mars et les observateurs des relations internationales en général à appréhender la posture de Washington vis-à-vis de la scène internationale avec un regard objectif et non ethnocentrique.
Aussi, pour Monsieur James Boyard, la Politique extérieure de l’administration Trump a été conçue en articulation étroite avec des thèses et des concepts fondamentaux consacrés par l’approche néoréaliste en Relations internationales, dont notamment, la « théorie de la Guerre hégémonique », la « théorie de la distribution (négative) de la puissance », la « théorie des Régimes internationaux »…
Ces dites théories nous dit, le prof. Boyard, avaient justement prophétisé l’évolution actuelle des relations internationales contemporaines, marquées par un conflit diplomatique et commercial ouvert entre une puissance hégémonique en déclin, les Etats-Unis, et une puissance rivale en pleine ascension, la Chine.
En effet, explique le professeur, en problématisant les conséquences internationales d’un éventuel déclin de la puissance hégémonique ou les conséquences d’une montée en puissance d’un Etat challenger, l’approche néoréaliste ou plus exactement, le courant du réalisme défensif n’avait pas seulement prédit ce scenario conflictualiste opposant les américains et les chinois, mais elle avait aussi suggéré à la puissance hégémonique en déclin les parades stratégiques de ripostes.
Autant dire, pour le prof. Boyard, les postures « protectionniste » et « unilatéraliste » qui définissent la Politique étrangère de Trump depuis son accession à la Maison blanche ne peuvent objectivement être appréhendées que comme des parades stratégiques dictées par le « Preserving effect », destiné à freiner, modérer ou compromettre les dynamiques dites de « Reforming effect » provoquées par la montée en puissance de la Chine.
En effet, le Prof. James Boyard nous explique que l’accession de la Chine depuis quelques années au statut de grande puissance à la fois économique et militaire a provoqué dans le système international une « redistribution de la puissance » au détriment de l’Etat hégémon du système international, représenté depuis la fin de la deuxième Guerre mondiale par les Etats-Unis.
Des lors, cette « redistribution négative de la puissance » génère aux yeux des américains un dilemme de sécurité qui malheureusement les pousse à afficher des comportements stratégiques destinés à « réduire la décroissance de leur taux différentiel de puissance » vis-à-vis de la Chine.
Dans ce contexte, vu que les Etats-Unis avaient depuis le lendemain de la 2ème Guerre mondiale financé presque seuls le maintien et le fonctionnement du système international, le désengagement international de Washington ne viserait qu’à forcer les autres puissances régionales, notamment celles de l’Union européenne à partager le fardeau du financement des « fournitures de biens publics internationaux » destinés au fonctionnement de ce système.
A ce titre, le recul de l’engagement américain au sein du multilatéralisme onusien et de celui de l’OTAN (que plus d’uns interprètent comme un retour de « l’isolationnisme » américain) n’est inspiré en fait que par le souci de lutter contre les « free-riders » du système international.
Dans le même sens, sachant que certains régimes internationaux consacrés dans des instruments internationaux sont aujourd’hui plus profitables à des puissances rivales qu’aux intérêts américains, le gouvernement Trump s’est-il empressé de les supprimer ou de les modifier conformément à une thèse classique du néoréalisme en Relations internationales.
Autant dire, le retrait de Washington de l’accord de Paris sur l’environnement, sa volonté de renégocier des accords de libre-échanges, y compris avec ces alliés traditionnels comme l’Union européenne, le Canada et le Mexique ou même de limiter son appui traditionnel en faveur de la fourniture de certains biens publics internationaux, tels, la démocratie, les droits de l’homme, l’immigration, l’aide au développement, la sécurité collective, etc., correspondent assurément à cette rationalité exprimée par les thèses néoréalistes invitant la puissance hégémonique à se désengager de toute situation internationale susceptible de provoquer un effet de décroissance sur leurs ressources ou leurs capacités existentielles.
En clair, selon le prof. Boyard, ces retraits de Donald Trump d’un ensemble d’accords ou de régimes internationaux, la réduction de son appui financier à l’OTAN ou aux Nations unies ou sa volonté de sortir de certains accords de libre échange ou de certains régimes commerciaux préférentiels ne seraient que des parades stratégiques visant deux principaux objectifs, l’un politique et l’autre économique.
Du point de vue politique, il s’agirait pour l’Administration Trump de compliquer la situation économico-financière de la Chine, de sorte à compromettre sur le long terme la croissance de celle-ci, afin qu’elle ne puisse plus bénéficier de larges ressources lui permettant de renforcer ses capacités militaires et technologiques, ses alliances et projeter finalement ses forces dans des régions de grande importance géopolitique pour les Etats-Unis en matière notamment de sources d’approvisionnement en hydrocarbure ou en matière première.
Du point de vue économique, le désengagement international de Trump a aussi pour objectif de réduire les dépenses américaines en matière de fournitures de biens publics internationaux, ce qui permettra aux Etats-Unis de rééquilibrer sa balance commercial extérieur et d’accélérer la dynamique de croissance du PIB américain afin que celui-ci puisse mieux rivaliser avec celui de la Chine.
Dans les deux cas, la finalité de ces deux objectifs, conclut le professeur James Boyard, c’est de réduire la décroissance du « taux différentiel de puissance » des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine et d’empêcher qu’une trop grande réduction de l’écart de puissance entre les deux pays ne débouche sur la volonté des chinois de remettre en question le statu quo de l’équilibre des puissances ou de chercher à réformer le système international, en engageant une guerre contre l’Amérique afin de lui succéder au rang de nouvelle puissance hégémonique.
Prof James Boyard
Spécialiste des Relations Internationales
En savoir plus :
Le Néoréalisme et la politique étrangère de l’Administration Trump