Une Mission du Fonds Monétaire International (FMI), dirigée par Madame Nicole Laframboise, a discuté avec les autorités haïtiennes à Port-au-Prince et à Washington dans le cadre de la consultation au titre de l’Article IV, informe la Direction de communication de l’organisation.
Face à la crise qui sévit dans le pays depuis plusieurs mois, l’absence de gouvernement et d’un budget, la mission reste pessimiste pour les prochaines années.
« Nos projections à moyen terme ne prévoient pas de grandes réformes, qu’il est irréaliste d’envisager à ce stade, et tablent sur une stabilisation de la situation politique et du PIB au cours de l’année 2020 avec une très faible reprise de la croissance autour de 0,9 pourcent en 2021 » affirme-t-elle dans un communiqué daté du 25 novembre 2019.
« Dans ce contexte, il serait difficile d’envisager un taux d’inflation très en-deçà de 20 pourcents par an pour les deux prochaines années. De même, la croissance potentielle est estimée à 1,5 pourcent par an à plus long terme » poursuit-elle.
La mission estime que « la poursuite de la crise politique actuelle serait dévastatrice pour le pays avec des conséquences de moyen terme plus sévères en raison des pertes de capital physique et humain ».
D’un autre côté, une sortie de crise dans le court terme pourrait conduire à un rebond de l’activité économique, souligne le FMI.
« La nomination d’un gouvernement déterminé à entreprendre des réformes et la reprise de l’appui de la communauté internationale permettraient de desserrer la contrainte budgétaire. Il s’en suivrait une augmentation des dépenses publiques, notamment d’investissement, en même temps qu’une réduction du financement de la banque centrale facilitant ainsi une baisse de l’inflation et une hausse de la croissance à court, moyen et long-terme », fait-il remarquer.
La priorité immédiate doit être la stabilisation de la situation économique, selon ces émissaires. À défaut d’un budget soumis à l’examen du parlement, il est important que le gouvernement prépare et publie, comme annoncé, un cadre budgétaire pour 2020 dans les plus brefs délais. Ce cadre devrait inclure des mesures pour contenir les dépenses non-prioritaires et améliorer la collecte des recettes fiscales, particulièrement par le renforcement de l’administration fiscale et la réduction des exemptions d’impôt.
Par ailleurs, les membres de la mission saluent la signature et le respect du Pacte de Gouvernance Économique et Financière entre la Banque de la République d’Haïti et le Ministère de l’Economie et des Finances. Celui-ci, selon eux, a contribué à stabiliser l’inflation et le taux de change jusqu’à la fin de septembre 2019. Ils invitent les autorités à reconduire ce pacte nécessaire pour limiter de nouveau le financement monétaire du déficit budgétaire, source d’inflation.
Ils félicitent également les autorités pour les efforts mis en œuvre en vue de finaliser la rédaction d’une Politique Nationale de Protection et de Promotion Sociale (PNPPS). Ils encouragent le Conseil des ministres à adopter formellement cette politique et à lancer un nouveau programme pilote de transferts monétaires aux personnes vulnérables.
La PNPPS doit permettre, selon les émissaires du FMI, de réduire la fragmentation et la superposition des programmes existants, source d’inefficacité. Aussi recommandent-ils que cette politique conduise à la mise en place, sous l’égide du Ministère des Affaires Sociales et du Travail (MAST), d’un nombre limité de programmes de transferts monétaires à destination de groupes vulnérables de la population.
Autre priorité à court terme est la lutte contre la corruption. L’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) doit voir ses moyens juridiques et financiers renforcés pour assurer pleinement sa mission, indiquent les services du FMI. Le Comité de Pilotage prévu dans la Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption de 2009 doit être mis en place avec l’intégration des représentants indépendants de la société civile et doit participer à la préparation de la nouvelle stratégie anti-corruption, ajoutent-ils.
En ce sens, les obligations de déclaration du patrimoine « des personnalités politiques, fonctionnaires et agents publics », doivent être appliquées conformément aux lois régissant la matière (Loi du 12 février 2008). Mais également les mesures de lutte contre le blanchiment d’argent peuvent renforcer les efforts de lutte contre la corruption.
Les services du FMI disent souhaiter que le retour à la stabilité politique permette un consensus sur un ensemble de réformes plus approfondies en matière de gestion des finances publiques, d’amélioration de la gouvernance économique, d’organisation et de fonctionnement du secteur de l’énergie ainsi que de la protection et de la promotion sociale.
« Haïti dispose du potentiel pour une croissance plus forte et plus inclusive. Le FMI continue à fournir des conseils stratégiques et une assistance technique et se tient prêt à aider à la réalisation de ce potentiel avec un soutien plus intensif, une fois les conditions politiques réunies » conclut le communiqué.