Éditorial

Le gouvernement de Jean Henry Céant joue-t-il avec le feu?

En présentant le projet de loi de finances 2018/2019 le 5 novembre dernier le ministre de l’économie et des finances, Ronald Décembre a annoncé une inévitable augmentation du prix du carburant à la pompe qui n’affectera pas les prix des différentes courses. Ce sujet ne peut être tabou, il doit être abordé avait-il déclaré.

Le ministre Ronald Décembre a mis en avant l’augmentation continue du prix du baril de pétrole sur le marché international pour expliquer que l’Etat ne peut plus financer la subvention du carburant. Cette subvention est évaluée à date à 2 milliards de gourdes, qui ne profite qu’à moins de 30% de la population, sert à rembourser les compagnies pétrolières, a expliqué le grand argentier de la République.

Bien que le ministre Décembre ait précisé que cette augmentation du prix de l’essence à la pompe n’est pas pour tout de suite, rien qu’en annonçant la nouvelle les esprits se sont surchauffés. Le secrétaire d’état à la communication , Eddy Jackson Alexis a jugé nécessaire de clarifier les déclarations du ministre des finances relatives à cette augmentation du prix du carburant à la pompe. Par la suite, le ministre lui-même ce 8 novembre est revenu sur ses déclarations en accusant la presse de les avoir déformées.

C’est curieux que toute la presse se soit trompée jusqu’à ce qu’elle traite, toute, le sujet de la même manière. C’est inquiétant que tous les journalistes, qui ne sont pas forcément des leaders d’opinion, aient déformé les propos du ministre.

Est-ce que le gouvernement Céant en matière de communication n’est pas entrain de reproduire les erreurs du gouvernement Lafontant dans ce même dossier? Dans cette situation économique difficile où le taux d’inflation est de plus de 14 %, dans cette conjoncture politique fragile où les nerfs sont à fleur de peau, comment le gouvernement Céant compte t-il s’y prendre? Injecter dans les veines de la majorité de la population tenaillée par la misère et le chômage, cette piqûre qui selon les explications du ministre Décembre sera sans douleur, grâce aux dispositions qui seront prises pour subventionner le transport en commun entre autres actions en faveur des couches les plus vulnérables, relève de prouesse.
Le gouvernement a t-il mesuré les conséquences que peut avoir son inévitable décision de revoir à la hausse le prix du carburant à la pompe? Se référant aux émeutes des 6 et 7 juillet dernier, qu’une décision similaire avait provoquées, notamment dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, la capitale économique du pays, l’on se demande si le gouvernement de Jean Henry Céant ne joue pas avec le feu…

L’obsession du gouvernement pour augmenter le prix du carburant à la pompe semble être sa seule option pour empêcher le pays de connaître une faillite économique.

Pourtant à longueur de journée des économistes, des personnalités de la société civile, des politiciens dictent aux dirigeants les voies à suivre pour augmenter les recettes fiscales en évitant de pénaliser ceux qui vivent avec moins de 150 gourdes par jour pour ne pas dire moins de 2 dollars par jour. En dépit des propositions d’économistes, de simples citoyens ou de dirigeants politiques avisés pour installer sur nos routes nationales des postes de péage, rien a été fait, elles sont souvent bloquées par des riverains pour faire passer leurs revendications et frustrations. La plupart des postes frontaliers qui pourraient être des sources importantes de revenus pour le pays, sont livrés à la contrebande, au trafic de toute sorte alors que depuis des années les dirigeants qui se sont succédé font semblant de combattre la contrebande à la frontière, sans grand résultat.

Le jour où les institutions du pays, génératrices de revenus, les directions des douanes en particulier, sont confiées à des hommes et des femmes dévoués à la cause du pays, non à la protection des avantages et intérêts d’un particulier ou d’un secteur, le jour où les dirigeants décident d”organiser et de décentraliser la collecte des taxes pour que les citoyens et citoyennes de Port-au-Prince ne soient pratiquement pas les seuls à être forcés de remplir leur obligation envers le fisc, l’élaboration du budget de la République ne sera plus un casse-tête. Les dirigeants n’auront plus besoin de mettre en péril leur pouvoir, comme ca été le cas au debut du mois de juillet dernier, en ajoutant du gaz dans la machine de la mobilisation d’un peuple laisé, frustré et énervé.

Tôt ou tard, il faudra mettre un terme à la subvention du carburant. Une telle approche doit faire l’objet d’un compromis entre l’Etat et les principaux acteurs sociaux pour porter la population à comprendre le bien fondé de cette décision.
MRP

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