Les élèves de Sainte-Claire d’Assise ont exposé lors d’une foire artisanale des produits fabriqués à l’aide de tuyau, ciment et carton
En dépit de la situation sécuritaire précaire qui règne au centre-ville, les élèves de 5ème jusqu’à la 9ème année fondamentale de Sainte-Claire d’Assise, une branche de l’institution Franciscaine d’Haïti (IFDH), ont clôturé l’année scolaire sur une belle note. En effet, ils ont exposé, lors d’une foire le vendredi 3 juin, des produits artisanaux fabriqués à l’aide de tuyau, de carton et de ciment, de spray, entre autres.
Le public présent pour l’occasion a ainsi pu admirer des tableaux, des pots de fleurs, des lampes de nuit, des canapés, des encadrements ainsi qu’un aquarium. Il a pu également découvrir une belle salle à manger fabriqué par un groupe d’élèves sous la houlette de leur professeur d’arts plastiques, Alexandre Edwine. «Tous ces produits ont été fabriqués principalement avec trois matières : pvc duralong, ciment et carton. Ils peuvent être utilisés sans crainte dans la vie quotidienne », a indiqué M. Edwine.
Oscar Mervens, élève de neuvième année fondamentale, qui a été l’un des principaux maîtres d’œuvre de la salle à manger explique qu’il lui a fallu environ un mois pour la fabriquer. Du haut de ses 14 ans, Mervens, qui réside à Carrefour-Feuilles, affirme être un amoureux de l’art plastique. « J’aimerais devenir un grand artiste à l’avenir comme mon professeur. Je pourrais aussi enseigner à d’autres de la même manière », a commenté le jeune homme.
Sa camarade de classe Tariaccorso Jean-Baptiste qui a exposé des pots de fleurs et des tableaux lors de cette foire s’est dit fière et contente. « Franchement, quand tu vois les gens s’émerveiller devant tes travaux […], cela ne peut pas te laisser indifférente », a déclaré la jeune adolescente. Si elle rêve de devenir médecin, Tariaccorso n’exclut pas d’apprendre un peu plus sur l’art même si ce ne sera qu’un hobby.
Grâce à ce cours d’arts plastiques, M. Edwine croit que ses apprentis auront une option en plus pour s’en sortir dans la vie. « En apprenant ces choses aux élèves, nous envoyons un message clair aux autres écoles de la place. Nous essayons de montrer l’importance pour les élèves d’avoir une profession manuelle lorsqu’ils auront terminé leurs études classiques », a-t-il indiqué, soulignant au passage sa grande satisfaction à propos du travail réalisé par ses élèves.
En organisant cette foire, le directeur pédagogique de Sainte-Claire d’Assise Me Paules Junior Dazema soutient que l’institution voulait mettre en avant le travail effectué par les élèves tout au long de l’année. « Nous avons remarqué que les élèves apprenaient tellement vite que nous avions décidé d’organiser cette foire », a-t-il déclaré, en faisant référence au cours d’arts plastiques introduit au sein de l’école en 2019.
Pour le fondateur de cet établissement scolaire, Luc Paul Deplat, cette activité vise à montrer également aux parents que l’école n’est pas uniquement une affaire de compter, lire et de parler. « Il y a également de la maîtrise, de l’assimilation et de l’application, a-t-il déclaré. C’est une façon de démontrer aux parents et à la société que les enfants ne perdent pas leur temps lorsqu’ils vont à l’école. »
Si le responsable s’est dit joyeux pour la réalisation de cette foire artisanale, il n’a pas caché sa déception face ce qu’il appelle un « échec » de l’école haïtienne. « Lorsque vous regardez le nombre d’universitaires qui, après des années études, ne sont pas en mesure de prendre leur vie en main, cela nous permet de conclure à un certain échec de notre système », estime M. Deplat.
Et ce cours d’arts plastiques introduit en 2019 au sein de l’école est une façon de suivre l’évolution de la société. « Nous voulons montrer que nous pouvons innover et sortir un peu de la lignée de l’école traditionnelle. Avec ce cours, les élèves auront la possibilité d’avoir un métier après leurs études qui pourra leur servir dans la vie », a indiqué Me Dazema Paules. C’est dans cette optique que les responsables de l’école y ont également introduit des cours de cuisine, de musique et de chimie industrielle. « Avec ce cours de chimie industrielle, les élèves apprennent comment fabriquer du détergent, du parfum, du savon liquide, entre autres », a détaillé le responsable.
En raison de la situation sécuritaire délicate au centre-ville, les organisateurs n’ont pas souhaité ouvrir l’activité au grand public. « Nous avons invité simplement les parents et les proches des enfants afin qu’ils puissent venir apprécier et admirer ces œuvres. Certains d’entre eux ont pu en acheter. Ils ont été très fiers du travail de leurs enfants », a fait savoir Me Dazema.
Pierrette Aubourg, un parent d’élève, s’est dit émerveillée par la foire, son organisation et les objets qui y étaient présentés. Elle a même acheté une lampe de nuit à 750 gourdes. « C’est une belle activité. Si toutes les écoles pouvaient faire de même, nos enfants auraient plus d’options pour réussir leur vie », a-t-elle commenté.
Séduite par une salle à manger exposée lors de cette foire, Mme Aubourg en a même commandé une puisque le seul modèle disponible ce jour-là avait déjà été acheté par le curé de la paroisse Sainte-Anne à près de 35 mille gourdes. « J’ai demandé aux responsables qu’on reproduise le même modèle afin que je puisse en avoir un chez moi », a-t-elle confié.
Si Relaine Exilien n’a pas acheté ce jour-là, ce n’est pas parce qu’elle n’a pas été éblouie devant les produits exposés. D’ailleurs, le fait que son fils a exposé ses œuvres ce jour-là l’a rendu extrêmement fière, selon ses dires. « Je n’ai rien à reprocher l’institution. Elle donne non seulement du pain de l’instruction aux enfants mais elle leur permet également d’avoir un métier en sortant de l’école », a commenté Mme Exilien.
En somme, la journée s’était plutôt bien déroulée, selon Me Dazema Paules. Le responsable, également un homme de loi, affirme avoir vendu près d’une douzaine de pot de fleurs, une demi-douzaine de tableaux. « Nous sommes très satisfaits de la vente. Les produits qui n’ont pas été encore vendus ont reçu des offres. Certains parents nous ont demandé d’en conserver pour qu’ils puissent les acheter après », a-t-il fait savoir.
Pour ce premier coup d’essai plutôt réussi, Sainte-Claire d’Assise voulait organiser une foire à caractère gastro-artisanale. Mais en raison des contraintes financières, cela n’a pas été possible. « L’année prochaine nous comptons ouvrir la foire à un public plus large. Nous intégrerons les réalisations culinaires de nos élèves », a annoncé Me Dazema Paules.