Me Jacques Letang, président de la Fédération des Barreaux d’Haïti, a reçu ce samedi le Prix franco-allemand des droits de l’homme et de l’État de droit.
À l’occasion de la journée de l’amitié franco-allemande ce 22 janvier, les ambassadeurs de ces deux pays en Haïti ont remis le Prix franco-allemand pour les Droits de l’Homme à Me Jacques Letang, président de la Fédération des Barreaux d’Haïti. Une cérémonie s’est déroulée pour l’occasion à la Résidence de l’ambassadeur de France en Haiti, à Bourdon.
Dans son discours de circonstances, l’Ambassadeur de France en Haïti, Fabrice Mauries, a rappelé l’origine de la création de cette récompense, octroyée pour la première fois en 2016. Selon lui, ce prix traduit la volonté de la France et l’Allemagne de réaffirmer, chaque année, leur engagement en faveur de la protection et de la promotion de droits qui conditionnent la paix, la stabilité et la justice dans un État. « Car, nous restons convaincus que le respect des droits fondamentaux et universels est la condition du développement durable de tout pays », a-t-il dit.
Rappelant que la candidature de Me Letang a été l’œuvre commune des deux pays, l’Ambassadeur de France en Haiti a fait l’éloge du récipiendaire, l’un des juristes les plus émérites d’Haïti, selon ses propos. « Cher Jacques, vous avez été, vous êtes magistrat, substitut du commissaire, fonctionnaire au sein de la MINUSTAH, avocat, […]. Parallèlement à toutes ses activités, vous vous êtes investi dans la défense des droits humains, notamment à travers la promotion de procès emblématiques et la supervision de l’équipe juridique du Bureau des Droits Humains en Haïti dont vous êtes l’un des fondateurs », a-t-il déclaré.
Depuis deux décennies, Vous avez témoigné d’une immense « rigueur morale dans l’accomplissement de vos missions et d’une totale intransigeance dans la défense des victimes comme dans votre volonté de moderniser le système judiciaire et carcéral de votre pays » a-t-il déclaré au récipiendaire.
Dans sa prise de parole, l’Ambassadeur d’Allemagne en Haiti, Jen Krauss-Massé, a lui aussi eu des propos élogieux envers l’homme de loi. « Cher Jacques, vous faites partie de ces personnes exceptionnelles. Vous menez un combat sans relâche pour la justice et les droits de l’homme. Grâce à votre travail sérieux et impartial, le monde en sait un peu plus sur la situation en Haïti », a dit M. Krauss-Massé rappelant le témoignage du juriste haïtien au Conseil de sécurité de l’ONU en juin 2020. Me Letang avait mis en évidence l’amplitude de l’impunité qui entrave les droits humains en Haïti et les liens profondes entre la politique et le crime organisé en Haïti.
L’Allemagne, poursuit le diplomate, est consciente que « ces liens de parenté louches entre l’élite politique et les bandes criminelles constituent une menace permanente pour l’État de droit ». Ce qui, estime-t-il, se traduit par une perte de confiance de la population dans les institutions étatiques et un sentiment d’insécurité croissant.
« Vous méritez d’autant plus notre respect et reconnaissance à tous pour votre engagement intrépide et incessant au milieu de cette situation très complexe et menaçante. C’est un grand honneur pour moi et mon ami Fabrice de vous remettre le prix Franco-Allemand pour l’année 2022 », a conclu M. Krauss-Massé.
Dans son discours de circonstances, le récipiendaire a d’abord remercié les ambassadeurs de France et d’Allemagne pour cet honneur. « C’est quelque chose d’être distingué par deux nations qui portent une longue histoire aux côtés des droits humains faite de combats, d’opposition, de contradiction et de construction au long cours des bases nécessaires à l’établissement de l’Etat de droit », a déclaré Me Letang.
« C’est un honneur de faire partie de cette liste prestigieuse rassemblant chaque année des acteurs du changement dans le monde entier, des personnes qui s’impliquent à leur mesure, à leur niveau pour agir en faveur des droits humains », a-t-il ajouté, soulignant que ce prix n’est pas le sien mais celui de toute une équipe.
Me Letang en a également profité pour remercier les équipes travaillant aux côtés des deux diplomates pour leur appui dans la réalisation de nombreux projets en faveur d’Haïti. Le juriste a mentionné entre autres, des activités d’assistance légale, un programme de formation en droits humains, d’obtention de bourse d’études. « Votre appui a été précieux, respecteux, dynamique. Et cela mérite d’être souligné », a fait savoir Me Letang.
S’il admet que le bilan est positif, le président de la FBH soutient toutefois que ce n’est pas suffisant. « Cela ne peut combler les échecs flagrants des différentes missions de l’ONU de caractère trop souvent desincarné, des partenariats techniques et financiers. Cela ne peut dissimuler la complaisance du Core Groupe envers les dérives sans cesse démultipliées du pouvoir ces dernières années », a-t-il avancé, ajoutant que ce positionnement de la communauté internationale éloigne Haïti graduellement de l’État de droit.
Signalons que diverses personnalités de marque dont l’ambassadrice de l’Union Européenne en Haïti, l’ambassadeur d’Espagne accrédité en Haïti Sergio Cuesta, la Présidente de la Fondasyon Konesans ak Libète (FOKAL), ex-première ministre Michelle Duvivier Pierre-Louis, le recteur de l’UEH Fritz Deshommes, la batonnère de l’ordre des avocats de Port-Au-Prince Marie Suzy Legros, le vice-président de la Cour de Cassation, étaient présents à l’occasion de cette cinquième édition du Prix Franco-Allemand des droits de l’homme et de l’État de droit.
Photo: Ody Bien-Eugène | Juno7
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