L’ex-ambassadeur Smith Augustin évoque l’avenir d’Haïti et les relations avec la République dominicaine lors d’un événement à Paris.
L’ex-ambassadeur d’Haiti en République dominicaine, le sociologue Smith Augustin, expert en la matière, a été l’invité de l’Institut des Amériques de Paris et du Centre de Recherche et de Documentation des Amériques dans le cadre des Semaines de l’Amérique latine et des Caraïbes. Le diplomate a participé comme conférencier le 9 juin à la table-ronde intitulée « La coopération de la République Dominicaine et de la République d’Haïti dans la dynamique régionale caribéenne et les relations avec l’Europe » et animée par l’économiste, Carlos Quenan, professeur à Sorbonne nouvelle et vice-président de l’Institut des Amériques.
Au cours de sa présentation titrée « la coopération haïtiano-dominicaine : un défi pour l’avenir », le sociologue a démontré les défaillances de la machine diplomatique haïtiano-dominicaine. Selon lui, celle-ci date de près de 150 ans (1874-2024), elle est riche en accords bilatéraux – 70 documents principaux répartis en 22 traités (2 non signés), 18 déclarations conjointes, 18 accords de coopération, 2 protocoles additionnels et 12 protocoles d’entente.
Cependant, hormis la question de la délimitation de la frontière terrestre (1929-1936), les deux pays n’ont encore trouvé aucune solution bilatérale durable aux principales problématiques de leurs relations dont la question migratoire incluant la traite et le trafic illicite de personnes, le commerce bilatéral et frontalier, la délimitation de la frontière maritime, la lutte contre la corruption liée à la contrebande, la gestion des ressources en eaux partagées, etc.
En ce sens, l’ambassadeur Augustin a démontré que cette situation est due fondamentalement à deux problèmes majeurs : « Premièrement, pour les deux pays, le réflexe de la gestion rapide et ponctuelle des crises prévaut sur la volonté d’obtenir des accords et des solutions durables sur les problèmes de fond. Deuxièmement, se méfiant l’un de l’autre, les deux États s’évertuent toujours chacun de son côté à trouver des réponses unilatérales aux problèmes bilatéraux. Par ailleurs, l’instabilité politique et la faiblesse des institutions en Haiti qui fragilisent l’autorité légitime des interlocuteurs haïtiens servent souvent à justifier l’unilatéralisme dominicain ».
En outre, il comprend bien qu’il faudra appliquer aux relations diplomatiques haïtiano-dominicaines la proposition de Jean Price-Mars et de Leslie Manigat de doter la mission de Santo Domingo des meilleurs diplomates haïtiens parmi les plus brillants, les plus patriotes et les plus expérimentés.
Toutefois, ajoute-t-il, « cela n’a servi et ne servira pas à grand-chose tant que l’État haïtien ne définit pas clairement une politique étrangère qu’il doit aussi se donner les moyens d’appliquer vis-à-vis de la République dominicaine. Et pour y arriver, d’abord faudra-t-il bien, dans un vrai dialogue citoyen entre les élites et les masses, que les Haïtiens parviennent à retrouver l’autorité de l’État afin de (re)bâtir, pour le peuple et non contre lui, un État fort qui soit enfin maître de son destin, protégé des volontés d’imposer au pays des solutions importées et préfabriquées ».
L’ambassadeur Smith Augustin qui a partagé le panel, dans une ambiance chaleureuse, avec les secrétaires techniques haïtien et dominicain de la Commission mixte bilatérale et l’ambassadeur dominicain auprès de l’Union européenne, doit aussi intervenir ce mardi 13 juin dans le cadre du 3ème Congrès international de l’Institut des Amériques qui se tiendra cette année sur le campus de l’Université de Lyon du 12 au 16 juin 2023. Invité à la table ronde « Les relations internationales de la Caraïbe : histoire, évolution récente et perspectives », il dictera sa conférence autour du thème : « Défis et enjeux de la crise haïtienne actuelle pour les relations internationales dans la Caraïbe ».