Un autre regard sur la migration haïtienne en République dominicaine.
Au moment où le gouvernement dominicain s’apprête à intervenir une fois de plus ce mercredi 26 avril par devant le Conseil de sécurité des Nations-Unies en vue d’implorer une solution internationale à la crise haïtienne, David Alvarez Martin, Dominicain, Docteur en philosophie, vice-recteur Investigation et Innovation de l’Université Pontificale (PUCMM), dévoile les dessous de la politique migratoire dominicaine vis-à-vis d’Haiti. La rédaction de Juno7 croit important, afin d’aider à sortir des sentiers battus, de publier in extenso une traduction française de l’article en question publié originellement en espagnol le 25 avril 2023 dans le journal dominicain El Dia.
LA QUESTION HAITIENNE
Malheureusement, la question de la migration haïtienne irrégulière dans notre pays a généré une réponse raciste et xénophobe de la part du gouvernement et des partis d’opposition majoritaires. C’est une démonstration de l’influence de la petite extrême droite dans notre société.
De la Sentence TC/0168/13, aux abus contre les femmes enceintes haïtiennes et la chasse aux personnes ressemblant aux Haïtiens pour les expulser, et l’indulgence accordée aux bandes de chauvins, le gouvernement actuel est plongé dans le bourbier de l’antihaïtianisme et de la violation des droits fondamentaux. Tôt ou tard, l’État dominicain devra rendre compte de ces outrages.
Le discours idéologique qui se cache derrière « l’invasion pacifique » a une claire généalogie fasciste. Il est absurde que l’actuel président ait fait de la question haïtienne sa principale ligne de politique étrangère jusqu’à ce qu’il commence à construire à la frontière une clôture (encore plus poreuse que celle de nombreuses écoles publiques) enfouie dans un secret irresponsable sur le coût et les constructeurs.
Une grande partie de l’hystérie anti-haïtienne a été propagée précisément par notre président. Il est même allé jusqu’à proposer l’invasion d’Haïti par les puissances mondiales, ignorant notre politique de non-intervention, mais il n’est pas le premier, précisément Hipólito Mejía a envoyé des troupes dominicaines à l’invasion criminelle de l’Irak. Et j’écris ceci le 24 avril !
Le problème est-il de l’autre côté de notre frontière ou de notre côté? La première chose est que la frontière est publiquement un territoire attrayant pour la corruption de la police, de l’armée et des responsables de l’immigration. Si nous ne nous occupons pas de la frontière de notre côté, nous ne pouvons pas laisser cette tâche à l’État haïtien. Et pas la moindre intention de corriger ce problème n’a été vue.
Deuxièmement, les agents d’immigration à la recherche d’Haïtiens dans nos villes en ont fait un gros business. Nous connaissons tous le montant qu’ils doivent payer pour se faire libérer. Le centre de Haina est un peu moins qu’un camp de concentration (tout comme le fourgon à Santiago) d’où les prisonniers peuvent sortir pour quelques milliers de pesos.
Troisièmement, le Ministère du travail ne fait rien pour régulariser la main d’œuvre agricole et de la construction, favorisant des conditions d’esclavage parmi les travailleurs sans papiers. Les appels à la migration de leurs patrons lorsqu’il est temps de leur verser leur salaire sont célèbres.
Quatrièmement, même l’État est un employeur des sans papiers pour que les travaux reviennent moins chers. N’oublions pas la déclaration de Diandino selon laquelle il n’y aurait pas de métro sans les Haïtiens sans papiers.
Cinquièmement, le processus de régularisation, issu du Décret 327-13, est bloqué par la volonté du gouvernement actuel. Cela confirme que les Haïtiens en situation irrégulière sont préférés à ceux qui sont régularisés afin de maintenir les bas salaires, tant pour les Haïtiens que pour les Dominicains.
Ces cinq points confirment que la solution au problème est entre les mains des autorités, mais elles ont préféré maintenir le statu quo et crier sauvagement : Voici le loup !
David Alvarez Martin
Pour la version originale : https://eldia.com.do/la-cuestion-haitiana/
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Le taux de référence calculé par la BRH pour ce mercredi 26 avril 2023